Tant bien que mal le film «Les bien aimés» finit par prendre sa vitesse de croisière. Mais il est vrai que la dernière œuvre cinématographique de Christophe Honoré déclenche, dès le démarrage, une impression mitigée. Cela commence dans un décor des années 60, aussi caricatural que bâclé, où les détails anachroniques sautent aux yeux. Comme les potelets qui garnissent actuellement les trottoirs et que la production s’est contentée de repeindre en bleu… On finit par se surprendre à guetter le passage d’un Vélib’….
Mais, malgré tout, comme un hydravion à la portance imparfaite, le coucou finit par décoller et on se laisse prendre à ces amours qui se croisent et se décroisent. Chaque personnage a dans son cœur un port d’attache amoureux et une marée qui charrie à intervalles réguliers son sac de revenants.
Cette imperfection manifeste que tâchent d’améliorer tant bien que mal quelques passages chantés (mais nous sommes bien loin de l’inspiration et du brio musical de «Huit femmes» ou de «On connaît la chanson») finit par emporter la sympathie. D’une part parce que l’on finit par admettre que l’on n’assiste pas au film du siècle, ni de la décennie ni même de l’année, ce qui soulage la pression et, d’autre part, parce que «Les Biens aimés» mettent en exergue et à juste titre deux comédiens du film : Chiara Mastroanni et Louis Garrel.
Elle, incarne assez bien ces profils féminins de 35/45 ans (elle est née en 1972) à l’attitude rock and roll que l’on croise dans Paris, émancipés mais aussi facilement éperdus. S’y ajoute le charme indéniable de Chiara Mastroanni et (du moins dans le film) sa dégaine de kamikaze sentimentale qui traîne la nuit. Lui, c’est Louis Garrel qui avait enrichi par sa présence (aux côtés de la magnétique Eva Green) «Les Innocents» de Bertolucci, un film autrement mieux maîtrisé. On aime son côté violent d’amoureux migraineux qui, de toute évidence perdure sans que que cela ne sente encore le fonds de commerce.
Il fallait bien ces deux moteurs pour entraîner un film par-dessus le marché trop long. Dernier tir sur l’ambulance, personne ne comprend le titre. Ce qui est mauvais signe. Lorsque l’on a du mal à titrer un roman, un article ou un film, c’est qu’un problème de fond est tapi à l’intérieur. Mais ce métrage brinqueballant a quand même du charme. Un privilège qui échappe parfois aux films parfaits.