Le pays Toy, un petit territoire enchanteur des Hautes-Pyrénées

Niché au cœur des Hautes-Pyrénées, le pays Toy est un petit territoire cerné de montagnes qui s’étend le long de vallées souriantes. Au-dessus de sa capitale, Luz-Saint-Sauveur, des villages perchés aux belles maisons traditionnelles de pierre bravent les pentes raides, agrippés à une arête rocheuse pour éviter les couloirs d’avalanche. On ne connaît pas exactement la signification du mot «Toy», que les habitants de la plaine utilisaient pour désigner avec condescendance les rudes montagnards qui vivaient en autarcie avec leurs troupeaux au pied des sommets. Toy dériverait du catalan et signifierait «petit». Le surnom donné à ces hommes, sans doute robustes et trapus, est resté associé à ce territoire de 43.000 hectares. Le pays Toy, aux paysages somptueux et variés, a su tirer profit de l’héritage agropastoral qui a forgé son caractère. Mais ce sont les eaux thermales, déjà connues des Romains, qui ont très tôt fait sortir les Pyrénées de l’anonymat. Au fil des siècles, les thermes pyrénéens ont attiré les têtes couronnées, la bourgeoisie ainsi que des écrivains tels Victor Hugo, de Vigny, Chateaubriand, et George Sand.

Au XVIe siècle, Marguerite de Navarre et Rabelais viennent déjà prendre les eaux à Cauterets, voisine du pays Toy. La station vient défrayer la chronique au début du XXe s. quand un établissement ouvre un service de kinésithérapie innovant pour traiter les femmes stériles. Dans une salle de douches vaginales, un «frétayre» (frictionneur) s’évertue à stimuler l’intimité de ces dames pour éveiller leur fertilité. Les candidatures à ce poste très convoité sont sans doute nombreuses mais le postulant doit avoir un âge canonique et montrer patte blanche. Vertus des eaux ? Main alerte des frétayres ? Toujours est-il que le traitement est efficace et que les eaux prennent l’appellation prosaïque «d’engrosseuses».

Le village de Barèges (1250 mètres d’altitude) connaît quant à lui ses première lettres de noblesse en 1675 avec le petit duc du Maine. Alors qu’il a 5 ans, l’enfant adultérin de Louis XIV et de Mme de Montespan, y séjourne de longs mois avec Mme de Maintenon, sa gouvernante. L’enfant est rachitique et affecté d’un pied-bot. La réputation des eaux de Barèges, qui a guéri des soldats blessés et des maladies des os, est parvenue aux oreilles royales. Elles se montreront souveraines sur le petit duc, et, Barèges, deviendra célèbre. Avouons-le, Barèges, dévasté par des avalanches au XXe siècle ne présente pas grand attrait architectural mais sa situation au creux d’une vallée splendide, qui offre de nombreuses possibilités de randonnées et de ski, est exceptionnelle. Barèges forme en effet avec La Mongie, de l’autre côté du col du Tourmalet, le plus vaste domaine skiable des Pyrénées, le Grand Tourmalet. Et pour tout cycliste amateur, qui dit col du Tourmalet dit aussi Tour de France dont c’est une étape mythique.

À 8 kilomètres de Barèges, le centre de Luz-Saint-Sauveur est resté authentique. Les ruelles du vieux village, constitué de maisons anciennes aux toits d’ardoise semblent se serrer autour de la petite église fortifiée, Saint-André, dite des Templiers. Avec ses remparts crénelés et son clocher en forme de tour de guet, elle a tout d’un château fort miniature. Sa fortification est l’œuvre, au XIV s., non pas des Templiers mais des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem qui voulaient ainsi la préserver des pillages des armées aragonaises qui passaient les montagnes. Les Hospitaliers s’étaient installés à Luz pour accueillir les pèlerins qui se rendaient par voies pyrénéennes à Saint-Jacques de Compostelle. Les Hospitaliers occupaient le château Sainte-Marie, construit par les Comtes de Bigorre au Xe siècle sur un éperon rocheux au-dessus de l’église Saint-André. Victor Hugo en a fait des dessins lors de ses séjours dans les Pyrénées.

Si Luz est aujourd’hui relié à Saint-Sauveur, cela n’a pas toujours été le cas. Quand Napoléon III et Joséphine viennent prendre les eaux à Saint-Sauveur en 1859, la station est isolée par une paroi rocheuse qui s’élève au-dessus de la rivière en contrebas. Pour que la route de Saint-Sauveur puisse continuer vers Luz puis Gavarnie et les cirques de montagne, Napoléon III fait construire un pont monumental, le pont… Napoléon. Cette prouesse architecturale qui ne comprend qu’une seule arche enserrée entre les deux côtés de la paroi rocheuse a été construite en une année. Le pont est vraiment impressionnant. Depuis son tablier, on est suspendu au-dessus d’un précipice vertigineux de 70 mètres. Aujourd’hui c’est un spot fameux de saut à l’élastique.

A environ 30 minutes de Luz-Saint-Sauveur, les amoureux des panoramas de montagne seront extatiques devant les trois cirques glaciaires frontaliers de l’Espagne. Les paysages minéraux d’exception des cirques de Gavarnie, Troumouse et Estaubé leur ont valu d’être classés au patrimoine de l’Unesco. Si le cirque de Gavarnie est le plus connu, sans doute en raison de la hauteur de sa paroi verticale entourée des plus hauts sommets, le cirque de Troumouse est le plus vaste et celui d’Estaubé le plus rafraîchissant avec ses nombreuses cascades. Ils sont tous trois des lieux majestueux avec une faune et une flore uniques. C’est le refroidissement climatique qui est à l’origine de leur formation. Les glaciers ont creusé dans la montagne les corolles ouvertes qui s’offrent à notre vue.

À l’arrière-saison, avant la tombée des premières neiges et le début des sports d’hiver, les touristes ont déserté le pays Toy. Cette solitude est à saisir pour découvrir le pays Toy magnifié par les chatoyantes couleurs automnales.

Lottie Brickert

Photos: ©Lottie Brickert
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3 réponses à Le pays Toy, un petit territoire enchanteur des Hautes-Pyrénées

  1. Pierre DERENNE dit :

    Un peu d’air et d’eau changent de l’entre-soi parisien. Merci pour ce voyage

  2. M-Chrustine Dx dit :

    …,Et les Pyrénées chantent au vent d’espagne…
    Un grand merci pour ce beau voyage dans le temps et l’espace

  3. Raymond W dit :

    Bien qu’ayant séjourné près de Cauterets il y a quelques années, je ne connaissais ni les Toys, ni les frétayres…
    Voilà une lacune comblée, grâce à cette belle évocation, riche d’Histoire, d’anecdotes et de nature. Merci Lottie.

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