Une cuisine avec vue sur mer, voilà l’entrée choisie par l’Aquarium de la Porte Dorée, afin d’illustrer son exposition sur les algues. Façon de démontrer aussi que ces plantes subaquatiques peuvent jouer un rôle dans notre alimentation, y compris pour parfumer la bière comme en témoigne un pack de trois bouteilles posé en évidence à droite. Le tout se situant dans une annexe car il ne pouvait à l’évidence être question de déranger le merveilleux aquarium proprement dit, juste à côté. À vrai dire tous les prétextes sont bons pour se rendre dans les sous-sols du palais où depuis 1931, la vie sous-marine enchante l’œil. Le spectacle y est bidirectionnel dans la mesure où l’on peut supposer que les pensionnaires à nageoires, alligators albinos et autres écrevisses, sont également spectateurs des humains qui pressent leur nez sur les vitres. Les algues étaient donc un bon motif de déplacement, peut-être meilleur que l’exposition Picasso dans les étages, car Picasso étant toujours partout, il peut bien attendre une prochaine visite.
Il est vrai que les algues, c’est un peu un sous-sujet, mais il est toujours bon de s’instruire et d’apprendre par exemple, que leur profondeur maximale d’existence se situe à cent mètres. Au-delà, il n’y a plus suffisamment de lumière, sauf incidemment aux Bahamas où la clarté des eaux permet aux algues de descendre à 265 mètres. Les sargasses quant à elles ne font pas tant d’histoires, puisque leur biotope se situe à la surface. Bon de savoir également que la station de métro Réaumur porte le nom d’un botaniste qui s’est intéressé de près aux algues. Son patronyme complet était René-Antoine Ferchault de Réaumur (1683-1757). On nous explique qu’il s’était intéressé à la reproduction des algues en les comparant à celle des plantes terrestres et que de ce fait, à cette époque, il était considéré comme un visionnaire. Bon encore de faire la connaissance de Anna Atkins (1799-1871) laquelle chercha un moyen de reproduire les algues sans passer par le simple croquis. Pour ce faire elle avait trouvé le moyen de placer une algue sur un papier cyanotype, lequel, en réagissant à la lumière, faisait apparaître la silhouette de l’algue en blanc sur fond bleu. Ce truchement fit que ces impressions furent considérées comme parmi les premières photographies.
Lorsque l’on revient parmi les aquariums, on ne quitte pas le sujet, car ils sont naturellement garnis d’algues. Certains poissons en sont de grands amateurs, notamment l’espèce dite des chirurgiens. Ce sont des nettoyeurs de récifs, tels le chirurgien-voilier, le chirurgien zébré, le chirurgien à joues blanches ou encore le chirurgien-jaune (ci-contre) dont la queue est garnie de scalpels, comme ses confrères, en cas d’attaque. Tous broutent les algues avec une belle constance, un bel appétit. Parmi les curiosités on notera la présence du dipneuste américain, assez monstrueux dans son genre et dont l’aspect n’a pas varié depuis trois cents millions d’années. Ce qui lui confère au passage une certaine expertise sur la vanité de l’évolution. Il est moche et il est donc assez troublant d’apprendre qu’il fit partie des espèces archaïques qui donnèrent naissance aux animaux à pattes (tétrapodes) dont nous-mêmes, mais bien plus tard, on l’aura compris. Justement sa voisine, garnie de pattes, n’est autre que la tortue matamata qui ne mâche ni ses mots ni ses proies puisqu’elle les avale entières. Sauf erreur, il manque au catalogue le poisson-Picasso (rhinecanthus aculeatus) qui existe vraiment et que l’on peut voir évoluer au grand aquarium de Biarritz.
Il y en avait quand même à dire sur ce sujet des algues dont l’utilisation par l’homme remonterait jusqu’au sixième siècle avant Jésus-Christ. Cela se passait en Asie et c’est pourquoi dans ces contrées on en est si friand. En Europe, elles servirent de recours en cas de famine et au début du 16e siècle, elles étaient utilisées dans la fabrication du verre. Ainsi à qui voulait des renseignements sur les algues, le guichet de la Porte Dorée n’a pas failli. Et les raies planantes de l’aquarium central, hanteront c’est à souhaiter, nos rêves de la nuit prochaine.
PHB
Je ne suis pas très convaincu que le spectacle d’humains pressant leur nez contre les vitres soit un spectacle nécessaire à l’équilibre des pensionnaires à nageoires de l’Aquarium de la Porte Dorée. Non plus que l’aquarium lui-même, d’ailleurs. Et pourquoi pas des zoos humains, tant qu’on y est ?