Cette statue figure parmi les somptueux moulages abrités au sein de la Cité de l’architecture et du patrimoine. Sculptée vers 1230, elle orne avec quelques autres, la façade de la cathédrale de Strasbourg. Dénommée « La synagogue », elle symbolise par son foulard masquant le regard, le refus de reconnaître le Christ comme le Messie. Son visage est oblique, elle tient en main une lance brisée (imageant ainsi sa défaite à l’égard de la chrétienté catholique), et les Tables de la loi de Moïse semblent lui échapper. En 2007, une dépêche de l’AFP mentionnait que cette statue avait été victime de vandalisme et que l’acte antisémite était à retenir, selon le point de vue de l’archevêque de Strasbourg interrogé par l’agence. L’œuvre n’est pas une exception. On trouve incidemment un très bel équivalent, aussi sensuel sinon davantage que la première, sur un pilier de la cathédrale Sankt Peter, à Fribourg en Allemagne. Selon le théologien Helga Sciurie cité dans « L’Art Gothique » (éditions Könemann ) elle représente avec sa tête dressée, « la première fiancée de Dieu devenue infidèle et tombée dans la débauche, mais qui, à la fin des temps lui reviendra ».
Il y a une raison à évoquer l’art gothique et cette galerie des moulages du genre, sise au Palais de Chaillot. Et même une actualité proche puisqu’il y aura bientôt 900 ans, le 12 mars 2022, que le sieur Suger devint abbé de Saint-Denis. Cette personnalité est considérée comme le père de cet art gothique qui devait essaimer sa flamboyance bien au-delà du petit territoire français de l’époque. C’est sans doute à cause de sa petitesse qu’il décida de voir les choses en grand, comme le précise en substance une épitaphe. C’est à lui que l’on doit la transformation de l’édifice carolingien qu’était alors Saint-Denis, en prototype gothique.
La galerie de la Cité a ceci de fascinant qu’elle concentre justement tout un savoir-faire gothique. L’histoire de cet ensemble provient du musée de Sculpture voulu par Eugène Viollet-le-Duc et ouvert en 1882 dans l’ex-palais du Trocadéro détruit en 1935. Sous une très confortable hauteur sous plafond, chaque pièce a le mérite d’être à l’échelle. On y voit de splendides escaliers en colimaçons que l’on jurerait authentiques tellement les moulages sont parfaits. L’œil est trompé mais finalement pas tant que ça. On accède surtout à ce qu’il est bien difficile de distinguer dans une cathédrale, que ce soit de l’extérieur ou de l’intérieur. Une gargouille à moins de trois mètres et la donne est changée.
Dans le même ordre d’idées, il nous est donné à voir ce qui était inaccessible au regard avant l’incendie de Notre-Dame, c’est-à-dire les sculptures -originales- de la fameuse flèche de Viollet-le-Duc (1814-1879). Autant dire qu’elles sont bien loin du 13e siècle, lorsque la cathédrale a été édifiée. Grâce à cette expo nous jouissons, avec la proximité d’un drone, de la vision des douze apôtres en cuivre réalisés par l’artiste Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume et la complicité technique de l’entreprise de plomberie Monduit. Fameux prestataire par ailleurs, puisqu’il nous est expliqué sur un panneau que ces statues malgré un siècle et demi d’exposition aux intempéries, ont été trouvées dans un état « correct ». Un diaporama remarquable nous montre leur transfert par la voie des airs, en vue d’être nettoyées et restaurées au sol.
Si l’on tient à s’aérer les idées au sortir de cette cathédrale de moulages, un bon moyen consiste à aller jeter un coup d’œil sur le parvis où l’on peut admirer quelques belles statues en bronze doré dont l’origine remonte à l’entre-deux guerres. Elles sont en effet franchement païennes comme celle ci-contre, signée Paul Niclausse (1879-1985). Souillée, maculée, elle souffrirait d’un peu de respect et même d’un bon nettoyage, mais actuellement et alentours tout est chantier sur le secteur, de la Tour Eiffel au loin jusqu’aux fontaines du Trocadéro. Gageons qu’avec l’enjeu des prochaines olympiades, celle-ci et ses voisines auront droit au plumeau et davantage. Le besoin est criant.
PHB
En ces temps de révélations honteuses, cette sculpture ne reflète-t-elle pas l’aveuglement de l’église catholique, et sa future (ou déjà bien avancée) décrépitude ?
Bonne journée
à la lecture il me semble que la statue est une allégorie du peuple déicide (enfin considéré comme tel à l’époque)
Cette sculpture du 13 è siècle est d’une grâce et d’un modernité exquise à mes yeux de femme curieuse; merci à vous de l’avoir repérée dans cette foule de moulages , où j’aime me perdre; je suis vexée de ne pas l’avoir remarquée !
et je compatis en voyant l’état des dames de l’extérieur …