Avec sa nouvelle exposition “Le Théorème de Narcisse”, l’artiste Jean-Michel Othoniel, né en 1964, réenchante le Petit Palais. Plus de 70 œuvres ont, de ce fait, investi les escaliers, le jardin, le sous-sol… de ce joyau historique construit par Charles Girault (1851-1932) pour l’Exposition universelle de 1900. Enchâssées dans le bâtiment, suspendues aux arbres ou posées sur l’eau des bassins, ces œuvres de perles et de briques viennent dialoguer avec les ors et l’architecture majestueuse du lieu. Une invitation au rêve pour un palais de conte de fées… De la rue s’aperçoit déjà au loin l’impressionnante “Rivière bleue” dévalant, telle une cascade de pierres précieuses, l’escalier d’honneur. Des briques aigue-marine réfléchissent la lumière du jour dans un scintillement féérique et font écho à la majesté de la grille en ferronnerie qui marque l’entrée du musée. Elles ne sont pas sans rappeler celles de la “Grotta Azzurra”, cette œuvre antérieure de l’artiste présentée il y a quelques années juste en face, dans l’autre Palais, le Grand celui-ci, au sein de l’exposition “Jardins” (2017), ou encore celles d’une autre “Rivière bleue”, long ruban de briques de verre soufflé qui semblait onduler, telle une longue vague sans fin, sur le sol de la Galerie Perrotin dans l’exposition “Oracles” (2019).
Car, après avoir expérimenté la cire, le soufre et les perles, l’artiste s’intéresse depuis quelques années à la brique, de verre ou de métal. C’est en 2009, lors d’un voyage en Inde, et tout particulièrement à Firozabad, la ville indienne du verre, qu’il avait été fasciné par la technique ancestrale des artisans locaux et choisi d’entamer une collaboration avec eux. “Precious Stonewall” (2010), gigantesque mur de briques de verre ambré sur lequel pendaient des colliers multicolores, tout en étant un hommage aux piles de briques qui bordent les routes indiennes, accumulées dans l’espoir d’une construction future, marquait alors l’apparition de la brique soufflée dans le travail d’Othoniel.
Parmi les œuvres qui vont s’offrir à nous, la plupart ont été conçues tout spécialement pour le Petit Palais, notamment celles du jardin. Et si certaines du sous-sol ont déjà été montrées à l’étranger, elles le sont pour la toute première fois en France (1). Il s’agit donc d’une exposition inédite, la plus grande exposition personnelle d’Othoniel depuis sa rétrospective au Centre Pompidou en 2011, un projet arrivé dans la période la plus noire du confinement que l’artiste a souhaité comme une invite à revenir au musée après cette période particulièrement sombre. D’accès libre et gratuit, les sculptures d’Othoniel exhortent le visiteur à revenir les contempler à différents moments de la journée, à apprécier leurs reflets changeants au fil des heures et des saisons… tout en se délectant des collections permanentes.
Pour cet amoureux des plantes qu’est Jean-Michel Othoniel (2), l’exposition prend naissance dans le jardin : un monumental lotus en perles dorées érigé devant la rotonde auquel font harmonieusement écho d’autres “Gold Lotus” posés sur des bassins; des “colliers précieux” également dorés, accrochés aux branches des arbres, font à leur tour écho aux guirlandes Art Nouveau du péristyle; des colliers géants dressés dans les alcôves de ce même péristyle semblent ériger le précieux bijou en statue; des “Nœuds miroirs”, aux entrelacs parés de perles en inox dans lesquels se reflètent la colonnade en demi-cercle et les fresques de Paul Baudouin (1844-1931) retraçant le cycle des saisons… Dans ce jardin en demi-lune, tout n’est qu’harmonie et reflets. La végétation et les œuvres se mirent dans l’eau des bassins, les mosaïques et les fresques se reflètent dans les perles-miroirs tandis que les visiteurs eux-mêmes voient leur reflet dans les œuvres… C’est le “Le Théorème de Narcisse” tel que conçu par Othoniel : l’homme en se reflétant lui-même reflète le monde autour de lui.
Plus loin, dans le bâtiment, suspendue tel un lustre géant au-dessus d’un magnifique escalier en spirale, s’offre à notre regard “La Couronne de la Nuit” (2008). Entrée de manière définitive dans les collections du musée, cette sculpture n’est pas sans rappeler “Le Kiosque des Noctambules” (2000), cette œuvre tout en perles de couleurs réalisée par Othoniel lors du centenaire de la naissance du métro parisien pour rhabiller la station Palais-Royal. “La Couronne de la Nuit” est, elle aussi, constituée de perles de verre soufflé de Murano. Avec ses bleus profonds, parsemés de quelques perles rouges, bleu ciel et translucides, comme autant d’étoiles, elle évoque la Reine de la Nuit, l’héroïne de “La Flûte enchantée” de Mozart. D’aucuns pourraient penser qu’elle sort tout droit d’un décor féérique de Cocteau…
Au sous-sol, dans un antre baptisé par l’artiste “La Grotte de Narcisse”, près d’une cinquantaine d’œuvres scintillent de toute part : des petits tableaux de briques colorées d’où surgissent des flammes de lumière (les “Precious Stonewalls”), une nouvelle “Rivière bleue” aux dimensions impressionnantes dans laquelle se reflètent les “Nœuds sauvages” suspendus au-dessus d’elle… Ces Nœuds constitués de perles de verre colorées comportent des dégradés d’une beauté à couper le souffle.
“Par cette exposition, j’ai voulu créer ainsi un lieu d’irréalité, d’enchantement, d’illusion, de libération de l’imagination, un lieu à la frontière du rêve qui nous permet le temps de la visite de résister à la désillusion du monde.” s’explique l’artiste. Nous ne pouvons que souscrire à son intention. “Il est grand temps de rallumer les étoiles.” s’exclamait le poète.(3) Et le sculpteur d’ajouter “Je pense que seule l’œuvre d’art a encore aujourd’hui le pouvoir de nous abstraire du monde et de sa réalité.” L’œuvre d’Othoniel a indéniablement le pouvoir de nous faire rêver.
Isabelle Fauvel
Et la rivière bleue est superbe la nuit dans ce quartier déserté le soir.
Merci Isabelle !
Oh merci pour cet article et pour suivre notre cher Guillaume : nous emparer de la réalité épouvantable, l’étreindre et la sublimer comme Othoniel avec ses matières…
Comment peut-on ressentir la moindre parcelle d’émotion devant de telles horreurs !
Il est vrai qu’aujourd’hui pour appartenir aux clubs des bien-pensants et des m’as-tu vu il faut se pâmer devant l’infâme, le laid, le ridicule et le superfétatoire inutile. Il faut se vêtir de guenilles déchirées, ponctuer ses phrases hermétiques de « voilà », emprunter des mots anglais vidés de leurs sens anglais et courir saluer, avec des mots d’une emphase jubilatoire indécente, les expositions de ces pseudo-artistes qui ricanent, en cachette, de voir cette foule en délire devant l’expression de leur dégénérescence mentale.
La folie est hélas, communicative et il en va ainsi du déclin des civilisations. L’escalier est parfois long à descendre mais les dernières marches sont toujours très glissantes…
C’est d’autant plus moche que c’est mal photographié..
Autant de pensée que dans un discours d’Emmanuel Macron. Othoniel a tout pour être l’artiste officiel d’une époque où l’art est soumis à un pass sanitaire sans que ça gêne beaucoup de monde.
C’est mal parti, mon kiki…
Je vous conseille plutôt de collectionner les Pokemon, au moins vos enfants seront contents… et y’en a qui ont de bien belles couleurs puisque la joliesse est le critère artistique du moment !