Avec son regard hautain et son costume clair on le reconnaît pourtant entre mille. Mais il fait mine de croire qu’il peut demeurer ici incognito. Il se glisse alors au milieu d’un rang, parmi la bonne centaine de spectateurs qui pour la plupart le connaissent par cœur. Et lorsque la lumière revient dans la salle, trois heures plus tard, il doit être fier. Fier du spectacle donné, impeccable, ce samedi 2 juillet en clôture des «Journées de juin» du Conservatoire national supérieur d’art dramatique.
Car ici le patron, c’est lui. Daniel Mesguich dirige depuis 2007 ce temple de l’enseignement de l’interprétation. En cette belle soirée d’été, il s’efface, il n’est que spectateur, et son équipe a joué sans fautes la partition, avec enthousiasme et créativité. Elle a donné corps à l’ambition d’«effervescence ensoleillée» et d’«éclat estival et festif» portée par ces «Journées» qui constituent le traditionnel «festival» annuel du Conservatoire.
Du 18 mai au 2 juillet, les élèves des six classes d’interprétation de cette école d’exception (chaque classe accueille des élèves des trois années d’étude) se sont ainsi succédé pour présenter le fruit d’un travail de création mené durant l’année écoulée sous la houlette de leurs professeurs. Et c’est à tel point une réussite que, comme le souligne le programme de la manifestation, l’école devient alors par la magie du spectacle vivant un théâtre, la classe une troupe, l’élève un acteur et le professeur un metteur en scène.
Ce samedi 2 juillet, donc, place à la classe de Philippe Duclos, professeur ayant pris la relève d’un Philippe Torreton défaillant en 2009 et laissant sa place à la rentrée prochaine à Gérard Desarthe, lui-même faisant son retour en tant que professeur après une première expérience dans les années 80. Au programme, dix scènes tirées d’autant de pièces, de l’ancien au moderne, de la comédie à la tragédie. Qu’on en juge, Hamlet de William Shakespeare succède à Un tramway nommé désir de Tennessee Williams, Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand précède Antigone de Sophocle.
L’enchaînement même de ces dix instants de bonheur théâtral est très travaillé. Tout coule de source, le spectateur est bouche bée. La mise en scène use de mille stratagèmes efficaces pour utiliser au mieux l’espace de la Salle Louis Jouvet, un cube de boiseries, grâce à un subtil et riche jeu de lumières et à des décors composés d’accessoires simples mais essentiels. Une valise, le gant blanc qui l’empoigne, un banc de bois ou un lit renversé, il n’en faut pas davantage.
Les «apprentis» acteurs sont tous remarquables. Quelle fougue ! Mention spéciale s’il fallait arbitrairement distinguer deux d’entre eux, pour Nina-Paloma Polly, possédée par le démon dans Médée de Sénèque et Ciment D’Heiner Müller (photo), et pour Romain Francisco, hilarant pince-sans-rire dans Hot house d’Harold Pinter et La demande en mariage d’Anton Tchekov.
Prochain rendez-vous de présentation publique du travail des élèves du Conservatoire, début octobre avec des ateliers «Jeu masqué» et «clown» par des élèves de troisième année.