Sa désuétude étant patente et ses sous-sols immenses, l’aérogare des Invalides ne pouvait échapper au vaste plan de réinvention de Paris. On sait depuis l’année dernière que c’est l’architecte Dominique Perrault qui a été choisi par la municipalité afin de remettre ce lieu vieillot aux normes de la mondialisation heureuse. L’auteur de la quadri-totémique BnF a du pain sur la planche. Comme l’indiquait le Journal du dimanche dans une édition datée l’année dernière, l’idée du promoteur est de transformer les aîtres en un espace d’exposition voué « aux métiers de l’art ». De fait l’aérogare devrait changer de nom pour « AéroGart », en soi tout un programme. Si l’on regarde la nomenclature des idées retenues, il faudra compter avec des choses à l’appellation étranges mais trendy comme des « corners », des « fablabs » , des salles pour des animations « ludopédagogiques » (comme quoi la novlangue a encore de beaux jours devant elle) et une salle de dégustation baptisée sans rire de l’acronyme « MIAM », soit « Marché des Invalides dédié à l’Alimentation Multigénérationnelle ». C’est dit.
Ce n’est pas la première fois de son histoire que ce bâtiment, dont la surface en sous-sol (18.000 mètres carrés) dépasse largement celle du dessus, va réorienter sa vocation. En 1946, le jeune journal Le Monde indiquait dans son édition du 8 mai que Paris serait la première capitale au monde à disposer d’un aérogare. La compagnie Air France, tout juste nationalisée, avait en effet décidé de louer à la ville de Paris le bâtiment, afin d’y localiser les formalités de départ et d’arrivée vers les aéroports. Il était même prévu à l’époque que des hélicoptères pussent se poser à proximité afin de rejoindre Le Bourget ou Orly où les attendaient des appareils de type Douglas DC-4 ou les fameux Lockheed Constellation à triple dérive. Air France a prévu de rendre les clés de son superloft en 2022 dans la foulée du plan de rénovation adopté par nos édiles.
Aux débuts de l’aérogare, l’aviation commerciale était encore une activité de prestige au point qu’en 1966 (1) Air France modernisait l’ensemble avec des activités de service pour les voyageurs comme un bureau de poste, un guichet de réservation théâtral et différents magasins. Avant même de voler le quidam s’évadait de l’ordinaire. Et puis il y avait l’implantation en sous-sol du restaurant chez Françoise laquelle Françoise s’appelait en réalité Alfredine. Le tout Paris de la politique venait (et vient encore) dénouer ou renouer entre poire et fromage, les problèmes législatifs les plus compacts. Mais le bel espace s’est peu à peu assoupi. Passer par l’aérogare des Invalides pour réserver son billet ne peut plus que caractériser des voyageurs bons pour l’hospice. De nos jours c’est le téléphone qui fait office d’agence. Place désormais aux activités ludiques effrénées dont il est trop tôt encore pour mesurer les dommages sur le cerveau. « Chez Françoise » devrait perdurer dans ses activités de table mais connaître un déplacement si l’on en croit une responsable interrogée en début de semaine par Les Soirées de Paris.
Il faudra juger sur pièces. En attendant on peut se demander aussi ce que deviendra cet antique pupitre supportant un plan de métro lumineux, visible dès l’entrée, à partir duquel on pouvait, en appuyant sur un simple bouton, connaître l’itinéraire le plus rapide entre la station Invalides et Mouton-Duvernet. L’appareil, que l’âge (les premiers datent de 1937) a rendu beau comme un juke-box ou un flipper de haute époque, partira peut-être au musée ou chez un collectionneur averti. Leur petit nom était PILI pour « Plans Indicateurs Lumineux d’Itinéraires » (comme quoi cette manie du langage patagon a une certaine profondeur).
Cette gare qui avait été ouverte pour l’exposition universelle de 1900 et qui permettait de rejoindre Brest ou Granville va donc supporter une nouvelle transformation, comprenant notamment d’insolites panneaux photovoltaïques « amorphes ». Une gare pour les arts que Dominique Perrault dit avoir imaginée comme « comme un nuage en lévitation dans un écrin » tandis que le promoteur des lieux la visualise de son côté comme « aérienne et vaporeuse ». De quoi nous défroisser l’humeur.
PHB
AeroGart des P.M.R. pour être complet et correct, non ?
P.M.R. ?
merci de m’éclairer
Ah! le PILI et ses lampions qui ont fait le bonheur de tant de bambins qui appuyaient sur tous les boutons!
À propos de l’acronyme, il existe déjà un MIAM à Sète, le Musée International des Arts Modestes. On y visite des Cabinets de curiosités délectables…