Il fut un temps où l’édition à compte d’auteur avait surtout pour conséquence de vider les livrets de caisse d’épargne sans pour autant remplir les poches de ceux qui s’étaient jetés à l’eau. S’y ajoutaient une condescendance, voire un mépris perceptible, de la part de ceux qui avaient passé haut la main le barrage filtrant des comités de lecture. Internet est venu ébranler ce système, et il est possible désormais de s’éditer, sans sacrifier pour autant l’argent que l’on avait mis de côté pour d’autres usages.
Photographe chevronné, professionnel appartenant à l’encore prestigieuse agence Sipa Press, Jacques Witt fait justement partie de ces gens qui ont renoncé à demander la permission de se faire éditer. Cette forme d’indépendance, Jacques Witt l’avait déjà acquise en créant son blog, «One Day, One Picture», qui figure parmi les plus consultés de la bibliothèque de blogs du journal Le Monde. Chaque jour, comme son titre l’indique, ce photographe de presse habitué à travailler dans le sillage des présidents et des ministres de la république, isole ainsi une photo assortie d’une simple légende, une photo parmi les milliers que ses objectifs captent tous les jours de l’année.
Et puis avec le site blurb.com, il a franchi le pas. Comme d’autres, Blurb offre à qui veut se lancer, des kits en ligne simples à manipuler, du livre d’images avec légendes à ceux offrant la possibilité de donner une part plus grande au texte. Une fois conçu en ligne, le livre est présenté dans une vitrine virtuelle que chacun peut consulter et, le cas échéant, acquérir. L’impression ne se fait qu’à la commande et l’ouvrage est livré par voie postale. Ainsi, lorsque Jacques Witt reçoit une facture d’impression, il reçoit un règlement qui lui permet de neutraliser le coût de production, voire de dégager une marge qu’il a lui-même fixée. La commande à la carte permet par dessus le marché au client de choisir une présentation plus ou moins luxueuse.
Et la qualité d’impression est au rendez-vous, cruciale pour un livre de photographies, notamment dans le traitement des «noirs». «One Day, One Picture» le livre, est un ouvrage des plus attachants. On y voit des photos souvent issues d’instants «perdus» durant des vacances familiales ou des moments plus insolites et pour autant esthétiques comme celle de l’avion du commissaire européen Michel Barnier, prise en mars 2009 en Allemagne. Jacques Witt nous livre ainsi sa propre sensibilité en marge des photographies professionnelles qui iront ensuite alimenter l’iconographie des journaux d’actualité.
Avec Internet et ses technologies apparentées, aucune espèce de qualité éditoriale n’est garantie. Mais c’est le mot liberté qui compte et qui vaut aussi bien pour l’auteur que pour l’acheteur. Le livre de Jacques Witt est un de ces emblèmes de ce nouveau type d’édition sans filtre.
Cursus express: Né en 1958 à Strasbourg, Jacques Witt a travaillé comme assistant dans un laboratoire photo après avoir passé son bac à Strasbourg. Puis il est devenu pigiste aux Dernières Nouvelles d’Alsace, quotidien régional. Basé à Strasbourg il a commencé une collaboration avec Sipa Press puis a intégré le staff à Paris en 1984. Son premier Grand Reportage fut les événements en Nouvelle Calédonie en 1985 puis la chute du Mur de Berlin, la libération de Mandela, la première guerre du Golfe.