À l’invitation du musée Marmottan de dialoguer in situ avec Monet, Caillebotte ou Pissarro, Gérard Fromanger (1939-) a répondu positivement. Sa réplique au « Soleil levant » de Monet (réalisé durant l’hiver 1872/1873) est spectaculaire. Sur le détail ci-contre, on voit bien que Fromanger a voulu dépasser l’aimable marine normande connue pour avoir lancé l’impressionnisme.
Le résultat est le fruit d’une réflexion personnelle sur l’exploration du cosmos, de Youri Gagarine (le premier homme dans l’espace) à Thomas Pesquet (l’un des derniers en date). S’y est ajouté le fait que la Terre tourne à 30 kilomètres par seconde autour du soleil et que nous, simples piétons, ignorons effectuer à ce rythme une distance annuelle invraisemblable. « C’est extravagant de penser tout cela dit-il« . De son point de vue, la Terre est à la fois une sorte de « station spatiale, une fusée, un satellite« . D’où cette toile exubérante composée de plusieurs planètes, avec des cercles concentriques, laissant penser à une expérience hypnotique où se perd une cohorte d’humains.
L’exposition qui se termine fin septembre mérite un petit détour vers les vieux jardins du Ranelagh qui bordent le musée. Elle est pourtant modeste. Le local attribué à Fromanger n’est guère plus vaste qu’un garage à vélos. Mais du coup, le concentré de son propos est plus facile à cerner. C’est depuis sa chapelle toscane où il peint de puis 1980, qu’il s’attaque à sa propre version du soleil levant, sur une surface de trois mètres de large sur deux mètres de haut. Pour Fromanger une toile n’est jamais blanche au départ mais « noire » du travail de ses prédécesseurs. Si l’on suit bien son raisonnement, sa déclinaison ultra-colorisée du travail de Monet, devrait donc elle-même être dépassée un jour.
Un autre aspect remarquable de sa contribution est toute une série de portraits de peintres finement modernisés dont bien évidemment Claude Monet. Cette très fraîche représentation, puisqu’elle est datée du mois d’avril 2019, est réussie. Son style quelque peu psychédélique confère là aussi à l’illustre peintre une dimension cosmique avec, selon toute apparence, une habile référence sur les côtés à la gigantesque suite des « Nymphéas ». Pour la suite, Gérard Fromanger a conservé le style et la méthode, afin de croquer outre lui-même, Camille Pissarro , Gustave Caillebotte, Berthe Morisot et quelques autres. L’exécution n’est en rien gratuite tant l’expression qui s’en dégage fleure à la fois l’authenticité et l’empathie pour des personnages qu’il admire.
Ailleurs, Fromanger donne sa vision de la ville en réponse à l’indémodable « Rue de Paris temps de pluie » de Caillebotte et les « Boulevards extérieurs sous la neige » de Pissarro. Le dialogue sur ce point est moins évident si ce n’est l’hommage rendu aux deux peintres. Son « Salon de thé boulevard des Italiens » réalisé en 1971, est au moins bien emblématique d’une époque sécessionniste avec la décennie précédente. On y voit la rue, une grosse Opel et des personnages découpés en rouge uni qui se juxtaposent à la réalité. Rien à dire sur l’œuvre elle-même mais la pertinence de l’assemblage avec les vieux maîtres invités et cités plus haut pèche par une certaine faiblesse.
Comme cette discrète exposition se termine le 29 septembre on pourra toujours jumeler une visite avec celle consacrée à la période figurative de Piet Mondrian qui débute le 12. Si l’on ajoute à l’ensemble le plaisir de déambuler, à trente kilomètres par seconde (1), parmi les collections permanentes de ce musée Marmottan, le déplacement dans la galaxie lointaine du 16e arrondissement devrait s’en trouver largement amorti.
PHB
Monet / Fromanger Impression, soleil levant 2019
Du 28 mars au 29 septembre 2019
Photos: @PHB
(1) Sachant que le système solaire vogue lui-même à une vitesse de 230 kilomètres par seconde on mesure mieux la vanité de nos trajets terrestres en particulier et de la vitesse limitée en général.