Jeanne d’Arc lui doit tout…

…  et surtout son bûcher. En effet, si la santé avait laissé à Bertrand du Guesclin le temps d’achever la mission de sa vie, la France aurait été définitivement libérée des Anglais. Née un peu plus de trente ans après lui, la « Pucelle d’Orléans » a donc dû terminer la tâche du Breton jusqu’à sa propre fin pénible. Et le point précis qui justifie cette chronique de vendredi, -car il existe- c’est qu’il y aura 699 ans demain, un 6 juillet donc, que Bertrand du Guesclin (1320-1380) commença à ressentir les premières atteintes d’un mal qui devait l’emporter quelques jours plus tard. Il serait intéressant de savoir si un autre journal y a pensé, gageons que non. Et grâce au livre de sa biographe Micheline Dupuy, il est possible de narrer la fin de ce fabuleux guerrier. Selon elle, c’est le 6 ou 7 juillet que le preux chevalier s’alita. « Le héros de Cocherel, écrit-elle, le capitaine souverain des Grandes Compagnies, le plus valeureux soldat de la guerre de Cent Ans, était,  cloué sur un lit de camp, incapable de se lever, de donner un ordre ».

Cependant que le 9  juillet, alors qu’il assiégeait la forteresse de Châteauneuf réputée « inexpugnable » quelque part dans le Massif Central, il eut quand même la présence d’esprit de convoquer un notaire de Mende afin de lui dicter ses dispositions testamentaires. Selon le trouvère Cuvelier qui écrivit plus tard et en 23.000 alexandrins l’épopée du Connétable de France, ses dernières paroles, assez inspirées au demeurant si elles sont authentiques, furent pour louer le pays auquel il s’était si violemment dévoué. « Ah douce France mon amie, flûta-t-il auprès des témoins recueillis, je te laisse bien brièvement« . Il expira et dans le même temps ou à peu près, les Anglais se rendirent et le poète Pierre de Galard, déposa les clés de Châteauneuf du Randon sur le lit du défunt. Du Guesclin n’avait pas eu le temps de libérer Calais, Bordeaux et Bayonne de l’occupation des Plantagenêts, mais il avait bien avancé le dossier.

S’ensuivit un processus d’inhumation complexe car réparti en plusieurs volets. Le long du chemin qui menait la dépouille vers le Puy, la foule lui rendait hommage. Une fois le cortège arrivé en ville, le cœur et les entrailles de Bertrand du Guesclin lui furent ôtés et remplacés par des aromates mais sans esprit de ragoût. Le cœur était destiné à Dinan près de sa ville natale en Bretagne mais la cité du Puy allait garder les viscères et les intestins. Sachant qu’avant cela, on avait fait bouillir son corps afin de séparer les chairs du squelette et aussi -probablement- pour éviter les mouches. Toute la France pleurait son sauveur. Au Mans, un messager du roi Charles V fit savoir aux responsables du convoi, que le cadavre où ce qu’il en restait, devait rejoindre Saint-Denis. Car Charles V qui devait mourir peu de temps après (le 16 septembre) le voulait auprès de lui. Une fois déposé dans le 9-3, le cœur repartit enfin pour Dinan pour être placé au côté de sa première épouse, l’érudite Tiphaine. On peut de nos jours voir le cénotaphe de marbre blanc dans l’église Saint-Sauveur de Dinan.

Bertrand du Guesclin qui n’était pas beau et même carrément laid, avait trouvé une parade qu’il synthétisa un jour en devise: « Le courage donne ce que la beauté refuse« . Ce bagarreur qui faisait le désespoir de sa famille avant qu’elle ne découvre ses qualités exceptionnelles lors d’un tournoi, savait retourner les situations défavorables à son avantage, que ce fut pour lui ou pour faire tomber une place forte. On peut se demander ce qu’un tel tempérament ferait de nos jours s’il était missionné pour « lutter » contre les chimères modernes. Face à tant d’inanité cumulée, il aurait probablement cherché d’autres combats: au hasard brillé en Méditerranée ou aux abords du Rio Grande,  afin de sauver des migrants. Rien ne lui résistait. Comme à Carola Rackete la navigatrice du Sea-Watch, bien chargée en tempérament elle aussi.

 

PHB

« Duguesclin Capitaine d’aventures/Connétable de France » Micheline Dupuy, Librairie académique Perrin (1977)

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Une réponse à Jeanne d’Arc lui doit tout…

  1. Marie J dit :

    Après recherche sur Google, il semble que les Soirées de Paris soient les seules à célébrer ce voyage duguesclinesque des tripes et du cœur. S’il fallait encore des arguments pour en saluer l’audace !

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