Jean-Paul Sartre, Brigitte Bardot et… Apollinaire à huis-clos

Marcel Proust est le seul de la pièce à ne pas avoir le regard dans le vide. Son regard est braqué sur Guillaume Apollinaire. Le premier, en civil,  est debout. Le second, habillé en militaire, est assis dans un  wagon de troisième classe. Puisque cette scène est censée se situer durant la première guerre mondiale, Proust a déjà publié « Du côté de chez Swann » et Apollinaire de 9 ans son cadet, a derrière lui son recueil « Alcools ». Pourtant il y a quelque chose d’artificiel dans cette situation qui confronte deux personnalités majeures. Et pour cause, elle se situe à Grévin. Apollinaire a fait son entrée dans ce musée au mois de février, afin d’illustrer un morceau de l’histoire de France qui débute à Vercingétorix, jusqu’à l’occupant actuel du palais de l’Élysée.

À la demande de l’institution, Apollinaire a été sculpté par Claus Velte « d’après photos et descriptions littéraires ». Il a aussi été fait appel « à des spécialistes pour la réalisation du costume, tissus et accessoires de l’époque », explique une responsable de l’établissement. Il est un fait qu’on le reconnaît facilement. Outre Marcel Proust, Guillaume Apollinaire est en compagnie immédiate de Savador Dali, Pablo Picasso, Camille Claudel, du général de Gaulle, Jean-Paul Sartre, Brigitte Bardot à moitié nue et Idéfix (le chien d’Astérix) totalement à poil. La somme de ces anachronismes en huis-clos est réjouissante sinon étonnante dans ce musée qui ne se prend pas (trop) au sérieux.

Dommage que l’on ne puisse leur redonner vie à tous mais qui sait, peut-être que la nuit tout ce petit monde se congratule. Peut-être que Vercingétorix vole au-secours de Jeanne d’Arc dans les flammes ou encore que le vieux général du haut de ses deux mètres, fait réviser la constitution de 1958 au jeune Emmanuel. Ce ne sont hélas que des répliques et non des réplicants tels que les avait filmés Ridley Scott pour son film Blade Runner dont l’action justement, se passait en 2019. Le film s’inspirait très librement d’un roman de Philip K.Dick et très joliment intitulé « Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques? ».

Ce qui tombe bien en revanche, c’est que le musée Grévin a été créé en 1882, soit deux ans après la naissance d’Apollinaire. Son succès ne se dément pas et nombreux sont les passants à être interpellés par des touristes égarés qui en ont fait une étape obligatoire de leur séjour à Paris. Ce musée est une idée d’un patron de presse, Arthur Meyer (1844-1924), qui avait fait appel à un certain Alfred Grévin (1827-1892), costumier de son état.

Aller retrouver Apollinaire et sa voisine Brigitte Bardot (ci-contre) en sous-sol peut constituer un bon prétexte afin d’aller découvrir une foultitude de personnages à l’importance variable. Certains sont troublants de vérité. On se surprend à hocher la tête devant Napoléon, à s’étonner de la présence de la journaliste Léa Salamé (tout de même pas un personnage historique, pas encore du moins), à sourire devant le couple Sarkozy, à marquer un temps d’arrêt circonspect en face d’un Emmanuel Macron qui nous tend littéralement les bras ou encore à esquisser un dribble puéril au côté de Kylian Mbappé. L’ambiance favorise la diversion, le décor est bien fait, le dédale des couloirs nous égare gentiment et il ne sera donc pas dit que l’on n’aura pas été au musée Grévin avant de rendre notre dernier soupir. Attention cependant à l’effet d’optique. Il a en effet été rapporté que certains visiteurs, à la sortie, ne voyaient plus que des humains immobiles, figés en plein déplacement, écouteurs aux oreilles et téléphone mobile en main. C’est toute la magie de l’arrêt sur image.

 

PHB

Musée Grévin, 10 bd Montmartre 75009 Paris

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