Cette photo qui ouvre l’exposition du musée de l’Armée est volontairement trompeuse. Picasso a, ce jour-là, revêtu les habits militaires de son ami Braque. Bien que sa longue vie d’artiste lui a fait traverser de nombreux conflits, il n’a participé à aucun, les armes à la main. Quand on pense à Picasso et la guerre, l’image de Guernica vient évidemment à l’esprit. La célèbre toile réalisée par le peintre espagnol figure également au début de l’exposition. Elle n’est là qu’en photo. Le cliché a été pris par sa compagne, Dora Maar. Mais tout l’intérêt de la scénographie mise en place par le musée de l’Armée réside dans la très large exploration de l’œuvre de Picasso à l’égard de la guerre et de la paix. Le spectre est inattendu. C’est une exposition brillante, passionnante, qui nous est offerte jusqu’à la fin du mois de juillet aux Invalides.
Parce que le souvenir des guerres appelle peut-être à une certaine amnésie, on n’imaginait effectivement pas qu’il y avait tant à dire sur le lien entre l’artiste génial et toutes sortes de conflits. Par exemple au tout début des années soixante, lorsque Picasso réalise un émouvant portrait de Djamila Boupacha, militante FLN. Une femme qui a été arrêtée, longuement torturée avant d’être condamnée à mort, puis amnistiée dans la foulée des accords d’Evian. Son effigie exécutée (si l’on peut dire) par Picasso, allait orner un livre concocté par l’avocate Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir en 1962. Interrogée quelques années plus tard, Gisèle Halimi concèdera que la militante n’avait pas commis d’attentat mais qu’elle s’apprêtait à le faire. Cependant que les nombreux intellectuels qui avaient pris sa défense à travers un comité spécial avaient surtout voulu dénoncer les méthodes de l’armée française en Algérie.
L’approche artistique de Picasso sur les violences engendrées par les guerres est tout aussi convaincante que sa célèbre colombe symbolisant la paix. En 1951, il réalise sur ce thème une œuvre autant abstraite que significative. Elle représente une sorte de char travesti en tête de mort et crachant du feu. Elle sera notamment reprise pour une affiche dédiée à la « journée des intellectuels pour le Vietnam » en 1968. Il est étonnant de voir à quel point elle transfigure la laideur d’une mécanique mortifère. Dans le même ordre d’idées, le peintre espagnol propose en 1951, depuis Vallauris une saisissante toile intitulée « Massacre en Corée ». Sur une même image longitudinale, elle confronte à gauche un groupe de femmes et d’enfants nus ajustés fusil en main par une réunion de silhouettes mécanisées. Singulièrement violente, elle est néanmoins efficace par le message de paix qu’elle diffuse. Picasso n’avait participé à aucune guerre certes, mais il a su prêter son concours et sa notoriété pour les dénoncer. Ceux qui ont organisé cette exposition, de par la façon dont ont été déployées les œuvres sélectionnées, ont parfaitement restitué la vision du peintre.
Toujours à l’arrière, en marge, Picasso ne s’est donc pas voilé la face bien au contraire. Par différents courriers et documents ici révélés, on voit bien bien comment par ailleurs il entretenait une correspondance affectueuse et attentive avec ses amis mobilisés comme Apollinaire, Salmon ou Braque.
Comme toujours dans les expositions autour de Picasso, on trouve des œuvres sans lien direct avec la thématique principale. Ce n’est certes pas une raison pour ne pas s’intéresser ici et par exemple à sa version des « Femmes d’Alger » réalisée à l’origine par Delacroix. Quel génie faut-il pour lui rendre hommage à ce point-là. D’autant que ses « Femmes d’Alger » sont accompagnées des esquisses préparatoires au résultat final. Elles ne sont pas que des étapes, mais des petits bijoux de sobriété et d’esthétisme incroyablement réinventé.
Relativement au deuxième conflit mondial, le visiteur ne pourra également qu’être stupéfait par la justesse de son portrait de déporté. Celui qui fera la couverture du journal L’Humanité en janvier 1955 à l’occasion du 10e anniversaire de la libération des camps. Il nous est précisé que c’est la première œuvre de Picasso à avoir rejoint le fonds d’estampes du musée de l’Armée. Cette foisonnante exposition, si bien conçue dans la juste simplicité de son ordonnancement, nous interpelle autant qu’elle nous apaise. Ce paradoxe en fait une réussite. Avec son seul pinceau, Picasso fait mouche.
PHB
« Picasso et la guerre » jusqu’au 28 juillet 2019. Musée de l’Armée (aux Invalides)
Pour une personne condamnée
écrire que Picasso a executé son
Portrait est en effet malencontreux.
La langue Française est riche en
qualificatif, par exemple « réalisé un cordialelznt5f
Merci d’avoir partagé cette visite
Au dela de la Picasso manie. ..