L’exposition Brune/Blonde à la Cinémathèque française se penche sur le rôle et la place de la chevelure dans le cinéma. Il s’agit on le comprend vite, d’une production « pensée », divisée en cinq thématiques édifiantes : « les gestes de la chevelure, la chevelure au cœur de la fiction (rivales métamorphoses, travestissement, relique), vers l’abstraction (cheveu-matière) ». Ce n’est pas juste une histoire de tifs.
En ce dimanche 7 novembre, les visiteurs semblent avoir bien compris que le propos est intellectuel. Les visages empreints de gravité, ils font demi-cercle autour des projections (courts-métrages inédits, archives télévisuelles rares), mirent les œuvres accrochées au mur en prenant leur temps. Il est vrai que dehors il pleut, qu’il a fallu s’armer de patience dans la file d’attente avant de s’acquitter du prix d’entrée.
Voilà le seul handicap de cette exposition : le propos trop longuement explicité sur les murs au cas où l’on ne comprendrait pas l’idée de départ. Ou encore si l’on risquait de rater une opposition picturale en fort clin d’œil. Comme celle par exemple qui consiste à faire cohabiter une peinture pop avec une gouache préraphaélite. En réfléchissant un peu, même en phase digestive, on peut se passer des explications. Ok, Il y a un rapport.
Lorsque dans l’une des projections on voit l’inoubliable et regretté Bruno Cremer se troubler à la vue de la nuque et aussi des cheveux de Vanessa Paradis dans Noce Blanche, nul besoin que quiconque vienne vous souffler que la chevelure de l’actrice, tirée au-dessus de la nuque, cèle une « charge érotique ».
Mais ces propos liminaires et leur jus bilieux mis à part, disons-le : l’ensemble est réussi. Le choix des œuvres est particulièrement plaisant, avec notamment des photos d’Edouard Boubat, Francesca Woodman, Man Ray, au charme et au magnétisme inusables.
La bonne recette consiste à lâcher son regard dans le circuit scénographique fort bien élaboré et à laisser vagabonder ses yeux tout comme on détacherait la laisse d’un chien. Retenons au passage une magnifique photo de Kristin Scott Thomas en train d’arracher sa perruque blonde pour laisser voir un début de chevelure brune. Là aussi il faut oublier le signifiant, omniprésent.
Enfin il est à noter qu’une programmation d’une cinquantaine de films est prévue en accompagnement de l’exposition. Des films dans lesquels « le motif de la chevelure est plastiquement ou scénaristiquement présent ». La précision est un tantinet ridicule. Lorsque Brigitte Bardot apparaît en brune dans Le Mépris, dans le cadre de cette filmographie capillaire, il y aura donc un arrêt méninges obligatoire. Pas forcément prévu à ce point par Godard. Comme ces films où le réalisateur semble vous dire, attention, c’est là qu’il faut rire, pleurer, réfléchir, se doigter etc….
Dans le numéro du 3 novembre des Inrockuptibles, Catherine Deneuve indique que « les deux événements » qu’elle a le « plus envie de voir à Paris en ce moment », c’est Larry Clark et Brune/Blonde. Voilà: l’un des atouts de cette exposition, c’est qu’elle donne envie. L’affiche est belle. Un autre, une fois l’affaire bouclée, c’est l’impression d’avoir vu quelque chose d’assez intéressant, esthétique en tout cas, soustraction faite des réserves émises plus haut sur le signifiant et le signifié.
Pour ceux qui ne veulent pas prendre de risques, il y a l’exposition virtuelle, intéressante sauf qu’elle partage des défauts avec la réelle.
Un exemple ? Juste ce commentaire chipé sur l’écran : Cachée par la chevelure, comme le sexe par la toison pubienne, la nuque revêt une puissante fonction érotique. Le geste qui la dévoile cristallise le désir. Dans L’Heure du loup (1967) d’Ingmar Bergman, la femme qui pose pour son mari peintre soulève ses cheveux dorés, baignés de soleil. Confiante et complice, elle offre alors sa nuque au regard du peintre, mais aussi à celui plus voyeur du réalisateur et du spectateur qui la contemplent sans être vus.
Rien de tel qu’une démonstration.
Cinémathèque française, (infos accès)jusqu’au 16 janvier 2011.