Byzantin, classique, baroque, constructiviste, moderne, stalinien, kroutchevien, brejnevien,… Kiev est polie par un embrouillamini de styles architecturaux qui cohabitent avec bonhomie. Si la capitale de l’Ukraine garde des traces de l’époque soviétique, elle est avant tout une cité historique avec une grande variété de monuments et des sites religieux remarquables. Ses quartiers cool propices à la promenade ou à la fête invitent aussi au farniente et en saison, ses plages aménagées au bord du Dniepr, à la baignade.
Reconstruite dans un pur style impérial stalinien dans les années 1950-1960, l’avenue Khreshchatyk, surnommée Champs-Élysées kiéviens, ébaudit. Sur 1,2 km, elle abrite, au centre-ville, le siège d’administrations officielles (mairie, contre de congrès, agence de presse…) ainsi que des grands magasins et commerces. Qui aime l’architecture soviétique colossale et l’atmosphère bling bling de ses grands cafés et boutiques de luxe sera comblé. Le style de la place Maïdan (place de l’indépendance), contiguë, est du même jus. Elle est dominée par le « gratte-ciel » de l’hôtel Ukraine – un 4 étoiles déjà passé de mode lors de son inauguration en 1960 – et le monument à l’indépendance, une colonne vertigineuse très kitch (image ci-dessus). Maïdan est restée dans les mémoires en raison des manifestations de 2013-14 réprimées dans le sang. Alors que des manifestants pacifiques investissaient la place depuis plusieurs semaines pour exprimer leurs aspirations démocratiques, l’ordre donné, le 18 février 2014, de tirer sur la foule faisait près de cent morts. Un sanctuaire très simple et très émouvant salue leur courage.
À quelques centaines de mètres de la place Maïdan, les bulbes de la cathédrale Sainte-Sophie pointent dans le ciel. Avec ses fresques et mosaïques bien conservées du XIe, la plus ancienne église de Kiev est aussi l’un de ses joyaux. Elle a été fondée au XIe. sur le modèle de Sainte-Sophie d’Istanbul pour symboliser le pouvoir politique et religieux du Prince Yaroslav. Du campanile baroque ajouté au XVIIIe, on a une belle vue sur Saint-Michel, une église-monastère bleu pervenche aux bulbes dorés qui lui fait face dans le lointain. Bien qu’elle fasse illusion, Saint-Michel (ci-dessous) n’est plus que l’ombre d’elle-même. L’église d’origine du XIe siècle, détruite par les soviétiques en 1937, a été rebâtie en 2001.
Au nord de Kiev, Podil est l’un de ses endroits les plus séduisants. Ses rues calmes et aérées regorgent de cafés et restaurants décontractés au zeste tendance, et ses promenades le long du Dniepr, de grandes terrasses au soleil. C’est aussi l’un des secteurs les plus anciens qui abritait autrefois un port important et des édifices religieux notables dont certains subsistent. Il a fait peau neuve au début du XIXe. après un grand incendie. Les ruelles pavées ont fait place à de larges rues et les masures en bois à de beaux immeubles classiques qui ont été épargnés par la guerre et le raz-de marée architectural soviétique. Au cœur de Podil, l’université Mohyla, l’aïeule du pays, est fréquentée par plus 3500 étudiants. Ce souffle de jeunesse rend le quartier particulièrement animé.
Insoupçonnable, le monastère Florovsky-Voznesensky, somnole à quelques pas de l’effervescence estudiantine. Son porche franchi, on a l’impression de se retrouver à la campagne au siècle dernier. Là, des jardinets et massifs de fleurs, des kiosques et des églises à bulbes constituent un havre de paix. Seules habitantes de cet ailleurs spirituel, une mère supérieure austère à l’étrange coiffe noire et des bigotes d’un autre temps.
L’ambiance est toute différente dans la rue suivante. La descente Saint-André (Andriyivski Ouzviz), le lieu le plus touristique de Kiev, attire les foules. Malgré les nombreux stands de souvenirs qui la jalonnent, cette rue pavée en lacets bordée de belles maisons colorées ne manque pas de charme. Certains la comparent à Montmartre en raison de sa pente raide et de l’église Saint-André, une meringue rococo du XVIIIe, qui brille de mille feux au sommet de la colline. Le grand écrivain Boulgakov a vécu au n°13. Transformée en appartements communautaires sous les soviets, sa maison est devenue le musée Boulgakov en 1991.
Au sud de Kiev, une promenade très agréable le long du Dniepr mène à la Laure de Petchersk, un site monastique d’exception. Dans les collines environnantes, la statue très kitch de la mère patrie, une colossale guerrière de 62m de haut juchée sur un piédestal de 40 m, saute aux yeux. C’est le dernier monument de ce type inauguré par Brejnev en 1981 pour marquer la puissance de l’URSS. La statue a suscité des gloussements quand il a fallu raccourcir l’épée de la guerrière pour ne pas masquer la vue sur les coupoles des monastères de la Laure !
La Laure de Petchersk, le principal centre religieux ukrainien, a joué un grand rôle dans l’histoire religieuse et politique du pays. La Laure haute s’étend sur 24 hectares. Beauté de l’architecture des églises à dôme et bulbes dorés, majesté des fresques des murs du grand réfectoire, dorures des autels, iconoclaste exceptionnelle, petits musées, jardins… difficile de ne pas tomber sous le charme de ce site spirituel si paisible. La partie basse de la Laure est célèbre pour ses catacombes où reposent les corps de moines momifiés.
À la sortie de la Laure, en poursuivant la promenade le long du Dniepr, on rejoint le musée de la grande guerre patriotique, un incontournable d’un autre genre. Avec ses immenses salles d’exposition poussiéreuses et ses amoncellements d’objets, le musée, construit en 1981, semble tout droit sorti des années 1950. Tout comme ses gardiennes revêches aux cheveux gaufrés. Elles vous ont à l’œil. Si vous ne suivez pas à la lettre le sens de la visite, elles vous remettent immédiatement dans le droit chemin avec des vociférations fermes ! Rendons leur grâce malgré tout. Le bâtiment étant désert à longueur de temps, elles patientent dans la pénombre attendant le rare visiteur pour allumer la lumière des salles au fur et à mesure de son parcours. Malgré la scénographie vieillotte, le musée est émouvant et rend compte de la souffrance endurée par les Ukrainiens sous le joug des nazis.
Quand les froideurs hivernales sont dissipées, les Kiéviens, mettent le cap sur Hydropark (ci-contre), un lieu de détente populaire aménagé sur une ile du Dniepr. Ne pas s’arrêter aux bars aux décibels étourdissants, attractions et autres fast-food à la sortie du métro Hydropark. Plus loin, des plages calmes ont été aménagées pour la baignade dans le Dniepr et une forêt accueille les promeneurs. Elle cache aussi des clubs privés tape à l’œil avec piscine et restaurant-bar. Ils sont d’un luxe inouï et on y peut admirer des Ukrainiennes à l’anatomie parfaite. Mais il faut montrer pattes blanches pour y accéder car leur entrée ressemble à celle d’un aéroport avec gardes armés et portillon-scanner. Autant dire que les tarifs sont prohibitifs pour les gilets jaunes locaux !
Plusieurs journées sont nécessaires pour bien explorer Kiev. Et, aux alentours les sites à visiter ne manquent pas. Citons la résidence de l’ancien président mégalo Yanoukovitch, un temple du goût nouveau-riche ). Recommandons aussi le musée de la vie rurale de Pyrohovo où des fermes, églises et moulins du XVIe au XXe provenant de différentes régions du pays ont été reconstruits sur un domaine. Ces deux sites sont facilement accessibles à une vingtaine de kilomètres de la capitale.
Lottie Brickert
Merci Lottie de cette promenade printanière. Je rêve d’aller à Kiev
Slt