Lorsque à la toute fin du mois d’août 1969 Jimi Hendrix monte enfin sur la scène du festival de Woodstock, presque tous les participants ont déjà pris le chemin du retour. Que n’ont-ils raté. Le stratosphérique guitariste a interprété rien moins que « Voodoo Child », l’hymne américain et « Purple haze » avec force géniales distorsions. Mais la caméra qui balaie bien au-delà de l’assistance resserrée montre une colline désolée jonchée de détritus variés après trois jours intenses d’amour, de musique et de paix. Et voilà que cinquante ans plus tard au moins deux organisations se sont mis en tête de recréer l’événement, dont l’un à Bethel sur le site historique situé dans l’État de New York. Était-ce bien nécessaire…
… tant le film réalisé sur place par Michael Wadleigh avec son équipe de 12 cameramen restitue si bien ces trois journées extraordinaires. De 120 heures de tournage, près de 3,6 ont été condensées sur un seul DVD, intercalant des prestations musicales lumineuses avec des séquences montrant la vie quotidienne des jeunes festivaliers. Alors que ces derniers ne sont pas encore arrivés, on voit les éléments du décor se mettre en place soit une immense estrade de bois encadrée par quatre tours supportant les enceintes. Et petit à petit, il y a tous ces jeunes gens qui approchent, la mine éclairée par l’utopie en marche. Ils convergent vers cet happening aussi joyeux que disproportionné tandis que là-haut les hélicoptères font des rotations comme autant de frelons autour d’une piscine de miel. L’affaire devait être payante mais l’affluence a eu raison du calcul et de toute idée d’amortissement, du moins dans l’immédiat. Ils avaient tous dans les 20/25 ans et venaient écouter des musiciens la plupart du temps à peine plus âgés qu’eux. Un extraordinaire air de liberté circulait dans cette poche rurale devant des habitants stupéfaits mais aussi conciliants lorsqu’ils étaient invités à donner leur avis au micro. Et c’est Country Joe du groupe Country Joe and the fish qui harangue soudain la foule avec son célèbre « Give me an F », « give me an u » jusqu’à ce que la foule finisse par scander un admirable « fuck » à la face du monde.
Tout est à craindre d’un forcément hasardeux remake. Ceux qui ne sont pas morts depuis, que ce soit parmi les artistes (Jimi Hendrix, Janis Joplin, Alvin Lee…) ou l’assistance, sont en passe de devenir octogénaires quand ce n’est pas déjà fait et si l’on excepte ceux qui étaient alors des enfants emmenés par leurs parents. L’image de vétérans revenant à Woodstock avec leur déambulateurs et leur badge « peace and love » accroché sur leur tunique à franges ou veste à brandebourg est d’office assez pénible à composer en imagination. Si ces malgré tout sympathiques zombies à cheveux blancs, sont en outre mêlés à des générations plus récentes, occupées à tout enregistrer avec leur téléphone dernière génération des musiciens n’ayant plus rien à voir avec l’esprit d’une époque révolue, la commémoration (en double) versera c’est à craindre dans une douteuse cacophonie spatio-temporelle. Dans ces conditions il est clair qu’il vaut mieux choisir de revoir le film dont le visionnage agit comme un efficace anti-rides. En outre, en montant un peu le son, on peut oublier l’aide auditive.
PHB
Mince : en vous lisant ce matin, je viens brusquement de prendre conscience que je n’ai plus 20 ans depuis 50 ans !
Give the young generation a chance to experiment…