À l’entrée de ce jardin parisien vit une famille de rats. On ne nommera pas le lieu au cas où quelque brigade municipale formerait le funeste vœu d’aller les occire. Généralement la scène ne dure que quelques secondes. Dès qu’il aperçoit un humain, la bestiole détale et file au terrier. Et pour cause, le rat n’a pas bonne presse. Bizarrement, beaucoup de ceux qui s’attendrissent lorsqu’ils voient un écureuil ou hérisson, sursautent à la vue d’un rat de taille comparable. Les voilà de retour et compte tenu de la faiblesse des moyens déployés par la municipalité pour les chasser de la surface, il faut s’en accommoder.
Jean de La Fontaine en avait conçu une jolie fable. L’histoire d’un rat des villes ayant invité à dîner son cousin le rat des champs mais dérangés, les deux compères furent obligés de prendre la fuite. Ce qui fit dire au congénère rural, « fi du plaisir que la crainte peut corrompre ». Ce qui a changé à Paris, c’est que le rat citadin s’épanouit. Il vient logiquement prendre sa part de ce Paris si désireux de biodiversité, cet espace urbain de la joie militante. Il y joue même un rôle salué par la municipalité sur le site internet de la ville, puisqu’ils « consomment une partie des déchets qui circulent dans les égouts ». Mais le plan de la mairie est de faire en sorte qu’ils restent en sous-sol, loin des regards, en tentant de limiter les déchets comestibles qui les attirent vers la surface. Pour ce faire il y a la multiplication des poubelles parfois drôlement appelées « réceptacles de propreté » et la pédagogie à l’égard des pique-niqueurs dont l’expansion exponentielle copie le big bang.
À sa façon, le rat est un très vieil adepte de la gentrification, ce néologisme qui désigne la prolifération des bourgeois des villes au détriment des classes inférieures lesquelles doivent s’expatrier, faute de pouvoir logiquement acheter leur pain dans des galeries d’art ou autres espaces de co-working et de fooding qui se reproduisent avec frénésie. L’attrait de la capitale vaut pour tout le monde et touche jusqu’aux rongeurs. Mais l’hospitalité diffère selon les cas. Bien que les touristes soient à l’origine de plus de 8% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, leur apport financier dans la capitale française est tel qu’on leur pardonne tout y compris les déchets. Alors que l’indésirable rat lui, non seulement ne pollue pas mais il dépollue. Sans compter que l’espèce sacrifie par ailleurs une partie des siens en laboratoire afin de tester nombre de médicaments et produits cosmétiques. En outre il n’est pas réputé tuer des oiseaux au contraire des chats qui les déciment avec l’absolution forfaitaire de leurs admirateurs.
Tolérée en sous-sol, la prolifération des rats ne l’est donc plus en surface car elle vient gêner l’image déjà bien écornée d’une ville qui entend édicter aux espèces vivantes, humaines et animales, leur comportement de tous les jours. Et il est admettons-le, bien plus facile de décider d’une journée sans automobilistes (le 16 septembre) que de prier les rats de rester chez eux. C’est pourquoi l’idée qui prévaut désormais est d’arriver à les garder en-dessous d’un seuil tolérable ce que ces petits rongeurs, réputés pour leur capacité à s’adapter, ont semble-t-il bien compris. Ils sortent à l’aube, rarement plus tard.
PHB
rat des chants ! c’est une autre histoire…
Vous avez tout à fait raison funeste erreur corrigée à l’instant, merci. PHB
vous êtes un vrai urbain des champs, cher Philippe, avec votre dandysme sans fard. Bravo pour ce regard lucide. C’est toujours un plaisir de vous lire.
Je voudrais vous raconter l’histoire de la poubelle parisienne nouvelles normes, anti terroriste, dessinée par JM Wilmotte, et assortie d’un sac poubelle recyclable..
Certes, elle peut servir d’attache pour le vélo, quand aucun panneau ni lieu idoine n’est disponible ; mais surtout, elle sert de réceptacle à déchets pour les amoureux du pique-nique /trottoir; et en conséquence, elle est devenue un nouveau lieu de dégustation pour …. les rats, qui s’amusent au petit matin, à déchiqueter le sac débordant de miettes odorantes; Cependant, de nouvelles gourmandes en repérage se disputent aussi le banquet gratuit : les corneilles !! Je les entends « croasser », je les vois planer devant la fenêtre, et plonger sur la dite poubelle avec convoitise.
Bon courage aux petits hommes verts de la ville qui doivent ensuite, de temps en temps, selon l’humeur et/ou le timing, balayer le trottoir jonché d’immondices..
Quand Paris redeviendra t’il propre ?