Cela doit bien être l’un des seuls musées de Paris où l’on entend des bruits de moteurs et c’est fait exprès. Ce fond sonore ne peut que réjouir les visiteurs du musée des Arts Décoratifs qui a ouvert une partie de ses salles à la collection d’automobiles du styliste Ralph Lauren jusqu’au 28 août.
Visiblement le styliste américain a exigé et obtenu un nombre impressionnant de gardiens par voiture. Pas question de photographier (1) encore moins de toucher. Visiblement, les surveillants sont à cran.
Mais cette méfiance -gênante- à l’égard du visiteur mise à part, que de merveilles délicieusement anachroniques qui s’offrent au regard. Dans cette époque post vingtième siècle, anxieuse de tasser le plus possible de monde dans les transports en commun, cette messe dédiée à l’individualisme, cette ode à la liberté, cette passion du style enfin, tout cela fait du bien à l’âme.
Milliardaire en dollars, Ralph Lauren les a progressivement achetées et restaurées pour s’en servir, pour «promener» ses enfants et non pas les condamner à la mise en vitrine. Il est donc loisible de s’imaginer à bord de cette Bugatti 57 SC Atlantic Coupé millésimée 1938 (date de naissance du collectionneur américain). Selon Paul Bracq, un designer automobile français en veine de superlatifs, «l’Atlantic est un monument dans l’histoire de la carrosserie française ! Mieux qu’aucune autre automobile, elle exprime l’esthétique latine. Une fantastique impression de légèreté se dégage de cette sculpture». Cette voiture a de l’allure avant même d’avancer, c’est la voiture de Lucifer, une bagnole pour un héros, une auto pour un dandy, une caisse pour un gangster, un taxi pour les femmes élégantes : comme moi.
La collection Ralph Lauren est aux antipodes de ce qui se fait de plus ou moins courant aujourd’hui mais il est vrai qu’il s’agit de modèles appartenant à une époque révolue. Ainsi la Mercedes SSK «Comte Rossi» de 1930 exhibe son capot moteur en triangle et ses ailes de roues intégralement enveloppantes. Il est permis dans ce cas d’évoquer la haute couture, la tôle remplaçant le tissu et les rivets se substituant aux aiguilles.
L’admiration est perceptible parmi les visiteurs de l’exposition quel que soit leur âge et leur sexe. Elle est légitime. Le regard va de surprises comme par exemple les gros yeux rouges de l’Alfa Romeo 8C 2900 Mille Miglia de 1938, Alfa Romeo étant soit dit en passant, un des rares constructeurs à avoir renoué aujourd’hui avec une certaine verve stylistique.
Luxe, liberté, sport, style, si ces valeurs ne vous vous sont pas totalement étrangères, cette exposition d’automobiles vaut le déplacement. Tous les modèles à l’affiche appartiennent à une époque reposante où les autophobes doctrinaires n’existaient pas encore. Elles ne sont plus dans l’air du temps et justement, ça nous fait des vacances.
(1) Un petit détour à la boutique des Arts Décoratifs et on comprend mieux, à l’évidence, pourquoi il est interdit de photographier. La Bugatti Atlantic miniature est affichée à plus de 5000 euros dans son écrin grand comme une boîte à chaussures et une étiquette indique que même à ce prix elle a déjà trouvé acquéreur. Tout est à acheter et ça, c’est permis.