De loin on jurerait une visiteuse de l’exposition. De près c’est un mannequin inerte mais on s’y laisse prendre. Afin de marquer notre cousinage avec l’homme de Neandertal, la scénographie a prévu de montrer une poupée dont la morphologie est celle d’une espèce humaine apparue il y a 300.000 ans. Pour bien marquer les esprits, elle a été habillée en Agnès B et tient dans sa main le magazine féminin Causette. Non loin, le même modèle est exposé dénudé et comment dire, on voit bien que les choses ont changé depuis la disparition de cette catégorie primitive.
C’est une cousine seulement européenne car l’époque ne connaissait pas de frontières seulement des territoires. Le premier crâne de cette espèce a été découvert en Allemagne en 1856 dans la vallée (Thal) de Neander en Allemagne. Son nom vient de là. C’est aussi celui, tout simple, de l’exposition. On y apprend qu’un jour, le dernier représentant de l’espèce a dû rencontrer l’homo sapiens lequel devait connaître une rapide expansion. Mais une des hypothèses entendue dans une cabine audio mise à disposition des visiteurs postule que la disparition de la communauté néandertalienne aurait été causée par sa mobilité, possiblement avec les variations climatiques qui existaient alors et bien avant que l’on en fasse un péché propre à l’homme. Dans cette logique et vu notre bougeotte incessante, notre disparition serait inscrite pour tantôt.
L’un des mérites de cette exposition est de faire tomber les mythes sur cette humanité primitive. Dans « l’imaginaire collectif » nous est-il expliqué, le monsieur tout-le-monde néandertalien vivait demi-nu, très poilu, au sein d’une nature agressive et équipé d’une massue. Mais aucun des éléments de chasse mis au jour n’a pu établir l’existence d’une telle arme. D’autre part, le cannibalisme supposé de l’homme en question ne serait en rien un acte de sauvagerie tel que nos sociétés modernes pourraient le qualifier mais correspondrait à « une institution sociale aux règles strictes et aux rites complexes ». De fait, conclut une des notices affichées aux murs, le cannibalisme « n’enlève rien à l’humanité de Neandertal, mais il en est une affirmation ». Ce n’est rien de dire à cette aune que les appréciations morales sur le fait de manger de la viande, humaine et animale, n’ont pas fini de varier.
Vivant de l’Atlantique à l’Oural il a été précédé de de « l’homo antecessor » (1,2 million d’années) et de « l’homo heidelbergensis ». L’origine de nous autres Sapiens remonte à 45.000 ans ce qui implique qu’il y a probablement eu des croisements avec le club des neandertaliens. Et lorsque nous grognons de plaisir en avalant un burger voire pire, c’est notre lointaine ascendance génétique qui se réveille. Dans le même ordre d’idées, lorsqu’un caniche fait quatre fois le tour de lui-même avant de s’étendre sur le tapis du salon, il vérifie sans le savoir qu’il n’y pas de serpents.
De fait la disparition de notre ancêtre (crâne ci-contre) est toute relative puisque nous en portons les traces. Si l’on suit bien le propos, Homo Sapiens sera amené un jour à rencontrer son successeur. Lequel peut-être se profile déjà via une évolution qui s’organise à l’insu de notre plein gré. Nous ferons alors sûrement l’objet d’une exposition, avec en pièces détachées, tout le bazar matériel qui nous caractérise.
PHB
Au Musée de l’Homme jusqu’au 7 janvier 2019
Merci pour l’envoi des articles . Le tien est très bien .
« Nous ferons alors sûrement l’objet d’une exposition, avec en pièces détachées, tout le bazar matériel qui nous caractérise. »
merci pour cet article et pour moi souvenir d’une délicieuse séance à l’auditorium du Louvre intitulée -Si Barthes écrivait ses mythologies aujourd’hui- et des textes savoureux écrits et lus par de jeunes élèves de l’ENS.