Peur sur la ville

Vu d’une rame de métro, ce visage déchiré est là pour vanter la sortie de « Ghostland », un « pur film d’horreur » programmé pour le mercredi 14 mars. Il traduit l’inquiétude et l’angoisse, ce qui est bien normal pour un genre destiné à faire peur. Incidemment, cette affiche offre en jouant sur l’effroi, un genre d’écho à une campagne récente visant à dénoncer le harcèlement dont sont victimes les femmes dans les transports en commun. Sauf qu’une fois de plus les communicants ont raté leur coup.

Puisque pour montrer du doigt le comportement de certains hommes, les 11.000 affiches qui vont être déployées sur le réseau francilien, montrent une femme seule dans un train avec en embuscade un ours, un loup ou encore un requin. Comme le faisait remarquer une internaute sur le réseau Facebook (où le frottement ne sera jamais que virtuel c’est déjà ça), « il est bien rare, disait-elle en substance, que je me sois déjà fait importunée par un requin dans les transports en commun ». La projection d’animaux devenus concupiscents à l’égard des humains prêterait d’ailleurs à sourire s’il ne s’agissait d’un vrai problème, passablement aggravé à l’heure où nos édiles qui circulent en voiture, pressent tout un chacun d’aller éprouver du corps, aux heures de pointe, l’anatomie de nos semblables. De fait un certain nombre de femmes, quand elles en ont les moyens, préfèrent encore patienter dans les embouteillages ou prendre la pluie en vélo plutôt que d’être l’objet de palpations suspectes. Et on les comprend. Elles seraient concernées à 87% selon une fédération d’usagers (Fnaut).

Au demeurant ces animaux dont il est peu probable au passage que les prédateurs s’y reconnaissent, n’ont rien d’utile. Gommez leur image et l’effet de solitude teinté d’anxiété restera efficace. Leur utilisation un peu ridicule dans cette campagne voulue par la Région Île de France, la RATP et la SNCF, n’a échappé ni aux usagers ni aux éditorialistes qui se sont emparés du sujet. De surcroît le message continue mine de rien de globaliser l’homme comme un agresseur féroce, ce dont les commanditaires se défendent. Mais ils s’en défendent toujours. Dans ses campagnes précédentes contre la triche, la RATP n’a jamais hésité à recourir à un bestiaire douteux pour désigner ceux dont elle juge le comportement incivil tout en assurant que cela ne concernait pas les autres. Et quand bien même, les tricheurs restent des humains qui n’ont pas à être insultés. Cette régie qui n’hésite pas à monter des souricières dans les couloirs du métro pour contrôler les voyageurs et aussi verbaliser ceux qui osent prendre les couloirs en sens interdit, ne s’est pas regardée. Le bétail c’est le cas de le dire, se doit d’être discipliné, même s’il paye cher le droit de se déplacer dans un inconfort manifeste.

Encore que les artisans de cette campagne se sont manifestement retenus. Ils auraient pu en effet avoir recours au monstre d’Alien la célébrissime bestiole du film de Ridley Scott que seule la chic Sigourney Weaver arrive à dompter, faire appel aux monstres de l’espace du brillant dessinateur Philippe Druillet ou encore au « Pervers Pépère » du regretté Gotlib, un personnage qui ne trouvait son plaisir sexuel qu’en lisant la presse économique. Mais il est vrai qu’avec un humour émargeant au monde devenu marginal du second degré, ils seraient également passés à côté de la plaque. Au moins nous nous serions peut-être, hommes et femmes, détendus un brin. Quoiqu’il en soit il est à craindre que la peur ne change pas de camp et que cette campagne, une de plus, ne serve à rien ou presque. Et si vous voyez un ours en train d’importuner une femme composez le 3117. Mais si vous apercevez un loup en train d’agresser un requin, appelez un médecin.

PHB

Sur le même sujet mais au Japon…

N'hésitez pas à partager
Ce contenu a été publié dans Publicité. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

3 réponses à Peur sur la ville

  1. Philippe Person dit :

    le politiquement correct appelle le politiquement correct, cher Philippe…
    Si on avait représenté un homme et qu’on ait pris un « mâle blanc », les électeurs plutôt connotés très à droite (je ne veux pas d’ennuis avec un parti qui va changer de nom) auraient dit que c’est stigmatiser les Blancs alors que les agresseurs seraient plutôt colorés (d’après eux et Eric Z)… Si on avait pris un maghrébin ou un noir, c’était le MRAP qui protestait, etc…
    Donc un requin c’est plus neutre, surtout si on prend un requin bleu…

    Contre le harcèlement dans le métro , je préconise une solution radicale : plus de métros, plus de wagons afin qu’on ne soit pas serrés comme des sardines (qui éventuellement peuvent se transformer en requins)
    Ah ! remercions les « féministes » extrêmes (j’avais d’abord tapé hystériques, mais bon, je sens le vent nauséabond du mot malheureux qui vous conduit désormais à la 17e chambre de Paris) : en détournant l’attention générale, elles permettent à « l’exploitation de l’homme par l’homme » de se poursuivre tranquillement… Nos grands capitaines d’industrie sont d’ailleurs désormais féministes : ils vont RÉELLEMENT réduire à zéro l’écart des salaires… En alignant celui des hommes sur les femmes… Et si la campagne sur le harcèlement ne servait en réalité qu’à baisser encore le coup salarial ! Égalité des sexes, égalité de la précarité ?

  2. derigny.didier dit :

    Et si la campagne sur le harcèlement ne servait en réalité qu’à baisser encore le coup salarial !
    le coup ou le coût ?

Les commentaires sont fermés.