La Bibliothèque nationale de France (BnF) a son grenier. Un lieu époustouflant de par ses richesses et qu’il est loisible de fouiller depuis chez soi. Une « galaxie » ainsi que l’a titré très justement Chroniques, le magazine de la BnF dans son dernier numéro. La bibliothèque en ligne Gallica a été fondée il y a tout juste 20 ans sur une idée de Jacques Attali lequel avait émis l’idée de créer une cinquième tour virtuelle au site François Mitterrand (ci-contre) qui en compte quatre. Gallica permet soit de retrouver un document précis ou mieux encore, de faire des découvertes inconnues en tentant des mots-clé dans le moteur de recherche du site.
Ainsi, la semaine dernière, Gallica avait extirpé de son trésor et publié sur Twitter, un document vidéo assez merveilleux, sur la journée d’un journaliste en 1967. On peut y voir un journaliste du Monde, Jacques Amalric, débuter sa journée de travail au volant de sa Renault Dauphine. Sur quinze minutes environ (1), tout un monde oublié réapparaît avec des codes éminemment désuets eu égard à l’époque actuelle. Le journaliste n’a pas de ceinture de sécurité et il gare tout naturellement son automobile au pied des bureaux du journal sans avoir à payer sa place. Il rejoint ensuite ses confrères (pas de consœurs) du service étranger qui ne compte que des rédacteurs en cravate clope au bec au milieu d’une fumée épaisse et le crépitement des machines à écrire. Chacun trie les dépêches du jour, les découpe et au besoin, colle à l’aide d’un pinceau les passages intéressants sur une feuille vierge. Toute cette séquence en noir et blanc est la fois banale et fascinante.
Images, photos, gravures, affiches, livres entiers, journaux, partitions, revues rares et documents vidéographiques, voilà tout ce que l’on peut trouver sur le site de Gallica comme dans une gigantesque malle aux trésors. C’est en octobre 1997 que la mise en ligne a débuté avec 2600 volumes et 7000 images. Lorsque la société Google en 2006 se met en tête de numériser 15 millions de livres en 6 ans, Gallica passe à la vitesse supérieure. Vingt ans après, 4,5 millions de documents ont été mis en ligne, de quoi épuiser l’ennui de plusieurs dimanches de pluie.
C’est la rareté des propositions qui fait toute la valeur de ce qui est indiscutablement un bon et vrai service public. Des revues qui valent cher chez les bouquinistes comme SIC (« Sons Idées Couleurs Formes » dirigée par Pierre-Albert Birot) ou quasiment introuvables comme la revue féministe francophone L’Égyptienne qui paraissait au Caire en 1927, sont consultables et téléchargeables gratuitement. Le site contient également des fonds photographiques précieux comme celui de l’agence Roll. Ceux qui vogueraient selon leur fantaisie avec des mots-clé tirés du hasard peuvent s’attendre à dénicher de jolies trouvailles comme des photos anciennes et élégantes des usines Citroën. Celui qui voudrait découvrir presque toutes les images disponibles sur Guillaume Apollinaire les trouvera en quelques clics.
Gallica est un inépuisable terrain de jeu. Un puits de culture et d’histoire dont la profondeur ne cesse de progresser. On compte par exemple 31 occurrences d’images sur les événements de mai 68 dont une étonnante affiche sur le « patronat fasciste ». Gallica est une mémoire qui, au contraire de l’expression consacrée, ne fout-pas-le-camp. Et c’est là tout son prix.
PHB
(1)Visionner l’extraordinaire documentaire sur la journée d’un journaliste
Merci cher Philippe Bonnet, c’est une Gallicanaute de longue date qui partage enthousiaste sans fin votre émerveillement, c’est un outil indispensable et un trésor de découvertes dû au hasard d’un mot clé comme vous le dites si bien.
V.D.