En 2008, le réalisateur Miyazaki est venu en visite à Tomonoura. Il a immédiatement eu un coup de cœur pour ce pittoresque petit port de pêcheurs de la mer intérieure du Japon. Et Tomonoura l’a inspiré à un point tel qu’il a loué une maison sur la colline surplombant la mer et s’y est installé pendant deux mois pour écrire son film « Ponyo sur la falaise ». On retrouve de nombreuses évocations de Tomonoura dans les images du film.
Tomonoura, situé au sud de la péninsule de Numakuma, dans la préfecture d’Hiroshima, est desservi régulièrement par des bus qui partent de la ville de Fukuyama, distante de 14 kilomètres. Après trente minutes de trajet, le bus s’arrête le long du port de l’époque Edo, une baie protégée au bout de la commune. Puis, il fait demi-tour – la route s’arrêtant là – comme s’il avait déposé les passagers au bout du monde. Et c’est vrai qu’en déambulant dans les ruelles des siècles passés, en respirant le calme et le bon air marin, en explorant la ceinture de vieux temples au pied de la colline, on est immédiatement ailleurs, presque au bout du monde. Le secret a été bien gardé. La petite ville de 6000 habitants attire encore peu de touristes même si Miyazaki, une idole au Japon, a attiré l’attention sur Tomonoura.
La ville a traversé les siècles sans prendre une ride. Elle a su tirer profit des richesses du passé et les perpétuer jusqu’aujourd’hui. Les demeures luxueuses des riches marchands et les entrepôts de l’époque Edo, quand Tomonoura était un carrefour maritime influent où transitaient différentes marchandises, ont été restaurés. Le vieux phare du 18e siècle est toujours là au milieu des quais. Il ressemble à s’y méprendre à une grande lanterne de pierre, comme celles qui marquent les entrées des temples. Les maisons traditionnelles en bois, les échoppes centenaires où l’on vend les spécialités locales contribuent à créer un décor de film. Mais la ville est bien vivante. Les pêcheurs font encore sécher leurs poissons et pieuvres sur des séchoirs le long des quais. On se régale toujours des gâteaux à base d’algue. La liqueur de Houmei Shu, à base de 16 plantes médicinales, réputée au Japon, est toujours fabriquée sur place. Quelques cafés tendance commencent à poindre leur nez et des maisons de commerce ont été transformées en ryokan (hôtels typiquement japonais en général luxueux). Miyazaki a d’ailleurs aidé à restaurer l’une d’elles, la maison Onfunayado Iroha, transformée en ryokan avec café et restaurant. Des dessins préparatoires de Ponyo ornent ses murs.
Pour avoir la plus belle vue de Tomonoura, celle que l’on voit dans Ponyo, il faut gravir, derrière le port, le chemin abrupt aux marches de guingois qui mène au temple de Loji et au sanctuaire qui le domine. Le torii de bois vermoulu franchi, on est accueillis par un groupe pétrifié de bouddhas nains coiffés de bérets rouges. Là-haut, les stèles de pierre du cimetière attenant au temple s’alignent droites au bord du vide. On croirait que les centaines de morts qui peuplent la colline se dressent sur la pointe des pieds pour mieux profiter de la vue splendide sur les maisons de bois de Tomonoura coiffées de toits aux courbes gracieuses et sur la mer de Seto, la mer intérieure du Japon, et son chapelet d’îles. En redescendant, les accros de spiritualité pourront s’en donner à « âme joie » en explorant la vingtaine de temples anciens qui jalonnent le pied de la colline, à l’ouest de la ville.
Retour au port, où on embarque dans un petit ferry coloré pour une promenade romantique sur l’ile de Sensujima, en face de Tomonoura. En chemin, le ferry longe un tout petit îlot luxuriant réputé pour sa beauté, Bentenjima. Un temple-pagode vermillon s’élève à son sommet, c’est le sanctuaire de Benten, déesse protectrice des marins. Au bout de cinq minutes, le ferry atteint Sensujima, une île de 6 kilomètres de circonférence. Des sentiers de randonnée y ont été aménagés. Celui qui borde la mer est un enchantement. Pas un bruit, juste le clapotis des vagues à ses pieds et devant soi, le panorama éblouissant de la mer étale essaimée d’ilots boisés. Quand on se surprend à se pencher sur l’eau car on pense y avoir aperçu la petite fille poisson rouge nommée Ponyo, on sait que la magie de la mer et la poésie de Miyazaki ont commencé à opérer et qu’il sera difficile de quitter Tomonoura.
Lottie Brickert
merci pour cette magnifique description, qui invite au voyage!
Ah, Tomonoura, ses torii, ses ryokan et sa maison Onfunayado Iroha… Rêvasser en sirotant du Houmei Shu, en revenant de Sensujima…
Merci Lottie !