Il suffit de se placer derrière la grosse bulle rouge pour que la fête des couleurs soit complète. Avec des éléments de mobiliers signés Philippe Starck en arrière-plan, nous voilà admis en marge d’un Ektachrome composite dont l’effet sur la rétine s’avère des plus bienfaisants pour notre métabolisme. Et c’est finalement ce que l’on se surprend à chercher -avec des succès divers- en cet hiver précoce au sein de l’exposition « L’expérience de la couleur » à la Cité de la céramique de Sèvres.
Les œuvres de multiples artistes ont été réunies entre les différents étages du musée. Elles sont tellement variées que la scénographie a dû relever du casse-tête. Une partie de l’exposition a en outre été intégrée aux collections permanentes, transformant parfois la visite en chasse au trésor. Tout en redonnant de l’intérêt à des pièces remarquables qui risquent l’oubli à force d’être figées à la même place année après année.
Tout ce qui est présenté ne relève pas de la céramique mais on apprend quand même qu’en la matière, la cuisson est un élément essentiel en ce qu’elle modifie la couleur en fonction de la durée. Cependant la balade n’est en rien technique. L’œil va d’œuvre en œuvre et les étonnements sont heureusement plus nombreux que les déceptions. L’offre est ultra-composite, la disparité est revendiquée.
Il n’y a donc guère de rapport entre une horloge Ricard, un plat signé Calder, des objets siglés Dior, une merveilleuse procession de cônes réalisée par une certaine Yoko Homareda, une pomme géante géante de Hans Hedberg ou encore une remarquable « figure féminine » en porcelaine exécutée par Viola Frey (ci contre) . Si ce n’est que tous nous dégivrent l’esprit, le regard et le sang, parties de nous-mêmes que l’on ne soupçonnait pas à se point figés dans une gangue de glace grise. Notre morosité fait une pause.
Il est même parfois permis de sourire. Non devant cette toile de Vincent Bioulès qui l’a littéralement brossée d’un jaune unitaire avec pour seul contraste un encadrement bleu, mais devant la légende qui l’accompagne. Une fiche nous explique en effet que l’aspect « mat » de l’œuvre « annihile matérialité et expressivité » et que son « style éminemment méditerranéen » faisant « la part belle aux bleus et aux jaunes puissants », favoriserait « un sentiment de bonheur mêlé à une certaine inquiétude ». On s’interroge de savoir si cette notice en contrebas n’est pas finalement contreproductive et s’il ne vaudrait pas mieux que le visiteur puisse brasser et pomper à l’envi dans ce jaune totalitaire sans forcément qu’il se voie muni d’une justification. Et pourquoi encore devrait-il (et tant qu’à faire s’excuser) de vouloir satisfaire une folle envie de satiété monochromatique.
On laissera le mot de la fin à Vincent Beaurin qui se trouve au rez-de-chaussée car cette expo se voit de haut en bas, du troisième étage au plancher des vaches. Lui a conçu un disque bien rouge. En position élevée, sa pièce en polystyrène nous convoque comme un piège solaire qui voudrait nous happer dans une incandescence assez bien rendue. Une tentation dont on se délivre facilement mais qui donne à penser.
PHB
À la Cité de la céramique à Sèvres, jusqu’au 2 avril