Transport dans le temps et l’espace rue La Bruyère. Loin, très loin. Aux commandes, Eric Bouvron signe le texte et la mise en scène. Plateau noir, direction l’autre bout du monde, l’Orient, du côté de la Chine et de la Mongolie. Et au 13e siècle s’il vous plaît. A cette époque, il avait fallu plusieurs années à Marco Polo pour rejoindre Kublaï Khan. La magie du théâtre nous les présente tous deux en un instant, ils sont bien là, face au public, le jeune marchand de Venise et le puissant souverain. Ça commence bien.
Les deux hommes ne lâcheront plus l’attention et l’imaginaire du spectateur (même celui de plus d’1m70 qui de fait rougit du genou, mais j’en ai déjà parlé). Belle prouesse. Sans grandiloquence, sans «effet spéciaux» (hormis les sons produits par un musicien accroupi sur le côté dans l’ombre – il a certainement ramené un peu d’herbe apaisante en infusion ou à fumer des plaines entourant Oulan-Bator). Non, donc, assez simplement, avec un texte nous faisant plonger dans l’intimité de la cour de Kublaï Khan. Certes les deux hommes ne sont pas seuls. Troisième personnage, la quatrième épouse du maître, dont le charme ne laisse pas Marco Polo insensible (après ces années de voyage, tu m’étonnes …). Kublaï Khan, petit-fils de Gengis Khan, semble pouvoir tout ordonner d’un simple signe de la main. Mais il n’en est pas pour autant tout-puissant. Marco le prévient pour le Japon et sa mer dangereuse qu’il ferait mieux de ne pas tenter de franchir … le souverain se croit invincible, rien ne peut lui résister. Et pourtant, la mer du Japon comme sa plus désirable épouse. Grandeur et faiblesse des plus grands. Chat et souris, Marco tremble mais esquive. Car le chat s’amuse bien, il caresse, griffe mais à côté. Un récit prenant, simple et efficace.
D’autant plus efficace qu’outre le musicien accroupi nous accompagnent une chanteuse mezzo-soprano dont le chant haut placé, des onomatopées, ou alors du langage universel mais je n’ai pas saisi, ajoute au rêve. Tout comme d’ailleurs, last but not least, la présence active de deux musiciennes mongoles, si, si, c’est pas du cinéma, enfin, pas du théâtre. Elles nous enchantent avec leurs instruments exotiques. Simple et efficace, décidément. Cette musique et ces chants pourraient nous bercer. Non, ils nous emportent par un charmant voyage à la cour de Kublaï Khan. Ce n’est pas rien.
Byam
« Marco Polo et l’Hirondelle du Khan », au Théâtre La Bruyère