Comme un livre de condoléances. A quelques jours de la fermeture définitive du musée Dapper, celui-là est rempli jusqu’au bout de mots de sympathie, tels ces « élèves de Coulommiers ». C’est triste un musée qui ferme et voilà une histoire qui nous rappelle une fois de plus la beauté et la cruauté du provisoire. Zut alors. Cette concentration de masques porteurs de significations inhabituelles pour nous occidentaux va diablement nous manquer.Malgré des programmations thématiques remarquables de simplicité et d’intelligence, le musée Dapper, fondé il y a une trentaine d’années, n’a pas eu la fréquentation qui lui aurait permis de perdurer. Apparu en 2006, l’imposant musée du quai Branly, a encouragé une certaine désaffection pour cet endroit charmant, situé rue Paul Valéry, entre l’avenue Foch et l’avenue Victor Hugo, juste à côté de l’ambassade du Congo, juste en face de la maison où mourut le poète Paul Valéry.
« Je me souviens du si délicat si inquiétant fétiche dans l’arbre et du double fétiche de la fécondité » écrivait Apollinaire dans « Les soupirs du servant de Dakar ». Comme Baudelaire avant lui ou tels ses contemporains Derain, Picasso ou encore le collectionneur Paul Guillaume, ils furent nombreux à saisir toute la force des arts dit premiers. Dans une conférence à l’académie de sculpture moderne en 1913, Apollinaire avait dit: « Quelquefois l’imitation de la nature est remplacée par quelque chose qui est véritablement le contraire de la nature. Les creux sont rendus par des reliefs, une forme ronde devient plate ou réciproquement. Le résultat est presque toujours chez ces artistes une puissante réalité. Le réalisme étant rarement l’expression directe de nos sens trop imparfaits. »
Depuis un siècle des générations de chercheurs nous ont appris à comprendre la sculpture africaine. C’est cet enseignement, cet éclairage, qui ont contribué à accroître notre fascination pour ces objets pas forcément cultuels mais par exemple destinés à sceller la transition entre un adolescent et sa vie adulte ou mieux encore à autoriser l’intercession entre le monde vivant et celui des ténèbres.
Par son effet de concentration, le musée Dapper était une sorte de conclave permanent de forces spirituelles émanant de régions variées. Impossible de ne pas être saisi tant que l’on peut encore s’y rendre (fermeture le 18 juin) par cette haute densité de mystères émanant de tous ces visages si finement sculptés. Leur inertie n’est qu’une apparence. Leur noblesse est une réalité devant laquelle on ne peut que s’incliner. Leur beauté est proprement irradiante de dédain et de distance distinguée. On a beau faire les malins avec notre attirail technologique allant du téléphone mobile au drone d’attaque téléguidé en passant par les applications interactives variées, tous ces masques, toute cette statuaire, nous appellent à la modestie et mieux encore à l’effort d’une vraie réflexion dont d’autres s’emploient à nous distraire.
La Fondation Dapper va s’en aller. Elle va tenter de maintenir ses activités sur l’île de Gorée en face de Dakar et du côté des Caraïbes pour des projets « culturels ambitieux » selon sa présidente Christiane Falgayrettes-Leveau. A ces mots on mesure mieux tout le poids de cette perte.
PHB
Musée Dapper, 35 bis rue Paul-Valéry, jusqu’au 18 juin
Quel malheur! Encore un clou enfoncé dans le cercueil qui en train d’ensevelir la grande culture qui faisait le bonheur de Paris. J’avais découvert ce magnifique musée il y a quelques années. Je lui avais même consacré de la place dans un article dédié à de petits musées parisiens d’exception. Certes, le tourisme de masse, cette industrie souhaitée et promue par les autorités, s’accorde mal avec de hauts lieux de réflexion et de spiritualité (il suffit de faire un tour à Notre Dame pour le constater….). Sauf que puisque l’actuel Président de la République (et d’autres avant lui) réclame vouloir regarder vers l’Afrique, n’y aurait pas-t-il eu moyen d’associer les scolaires au musée ce qui lui aurait assuré une plus grande fréquentation tout en créant un lien entre l’Afrique, la vraie, et les futures générations de la France.
Consternation de ma part également: voir mon article « Tango à l’ambassade et autres douceurs musicales ». Ce lieu si bien décrit par Philippe correspond à tout ce que j’aime, et l’implacable loi du nombre s’abat sur lui. Trop confidentiel pour perdurer, dit-on, alors qu’on pouvait y admirer des expositions ultra pointues dans un cadre architectural étonnamment réussi, situé dans une rue discrète du XVIème. Effectivement, dans l’hôtel particulier qui lui fait face, une plaque rappelle qu’il fut construit par Berthe Morisot et que Paul Valéry y a vécu.
Que va-t-on faire du lieu? On frémit à cette pensée…
« Far from the madding crowd », « Loin de la foule déchainée », écrivait Thomas Hardy… Ces foules que l’on retrouve au musée du Quai Branly, dont les salles m’ont toujours semblé un peu sinistres…
Triste nouvelle…
j’ai visité le misée Dapper à Paris, il y a quelques années.. J’ai fait le tour de ces salles en m’émerveillant à la vue de ses trésors si bien gardés et choisis .. De plus, c’était une oasis de paix dans le bruit de la ville, et une occasion de découvrir des œuvres uniques, qui ne sont pas faciles à réunir ni à rencontrer ailleurs.. Italienne vivant à Bruxelles et ayant travaillé à l’Union européenne depuis 40 ans, j’ai eu l’occasion de visiter ici einsi qu’en Italie de très beaux musées, mais celui de Paris m’est resté dans la mémoire comme une chance unique de dépaysement. Quel dommage sa fermeture ! ne pourrait on faire quelque chose pour convaincre le nouveau Président Macron de nos souhaits ?
C’est très triste en effet. J’avoue avoir plus fréquenté le musée dans son adorable petit hôtel particulier de l’avenue Victor Hugo. Affaire d’habitude! Mais le nouveau lieu était superbe et surtout les expos indispensables! Peut-on faire quelque chose?