« Chandoile! Chandoile! Qui brille plus que nulle étoile! » Tel était le slogan du vendeur de chandelles au Moyen Âge pour vanter ses produits. Comme à la radio de nos jours, la publicité saturait les oreilles. A cor et à cri, déclaration de guerre, avis de trêve entre belligérants, ou simple réclame pour un produit, la bouche était le premier des médias. La Tour Jean sans Peur, détaille dans une exposition qui va durer jusqu’au 31 décembre, les subtilités du langage publicitaire sous Duguesclin et ses contemporains.
De retour de la chasse, le chasseur d’aurochs avait sans doute trouvé un moyen de faire connaître son butin dans l’objectif d’une contrepartie, mais la recette préhistorique n’a pas été retrouvée. En revanche le Moyen Âge a laissé suffisamment de traces dans le domaine du boniment commercial pour que l’on s’en instruise, non sans amusement.
ll apparaît notamment que la jugeote à visée mercantile ne date pas d’hier, que ce soit dans les choix des moyens (sonores, visuels ou écrits) ou la sélection des termes adéquats. Déjà sous Jean le Bon, on retenait avec discernement la période de l’annonce criée. Au moment du casse-croûte et aux heures d’affluence, c’était naturellement le plus efficace pour capter une audience au même titre que les minutes qui précèdent aujourd’hui la messe du 20h. Le crieur nous explique-t-on, était accompagné d’un sonneur de cor ou d’un joueur de tambour afin de provoquer le rassemblement. Il pouvaient être accompagné de garde du corps au cas où l’annonce concernait une nouvelle levée d’impôts. Cet aboyeur opérait dès six heures du matin dans les rues. L’histoire ne dit pas s’il ne lui arrivait pas de se prendre quelquefois le contenu d’un pot de chambre sur la tête, expédié par un quidam furieux d’avoir été réveillé.
« Il n’est moustarde que de Dijon » ou « Qui veut du bon lait« , on avait en tout cas compris qu’il fallait faire court. On se souviendra au passage que jusqu’au vingtième siècle, le crieur de journaux, le rétameur ou le rempailleur, perpétuaient encore l’art du cri commercial.
Muette, l’enseigne se devait d’être vue, ce qui a contribué à une émergence précoce d’artisans graphiques moins prétentieux que les directeurs artistiques d’aujourd’hui. Pour qu’elles se distinguent aisément, il fallait qu’elles soient riches en couleur et évocatrices de la marchandise proposée. Une image de pie par exemple symbolisait la soif. Une lune ou une étoile signifiaient la possibilité d’un gîte. La publicité pouvait aussi prendre la forme concrète d’un avertissement. En installant un gibet à l’entrée d’une ville, le voyageur malintentionné était ainsi dissuadé de commettre un larcin. Du moins connaissait-il le prix à payer s’il se faisait prendre.
Cette riche et astucieuse exposition nous montre aussi comment certains codes continuent d’être repris jusqu’à aujourd’hui. Le transport ferroviaire sous la marque Thalys a ainsi détourné la Vierge à l’Enfant (1450), œuvre du peintre Jean de Fouquet, en lui adjoignant un couvre-chef dans le plus pur style Grace Jones ou « Perrier c’est fou ». Les étiquettes de vins ou de camembert persistent à emprunter à ce monde lointain, de façon sans doute à bénéficier de la caution des anciens.
On nous explique aussi comment s’opérait la propagande politique du temps des heaumes et des armures. En 2017 elle s’épanouit encore avec une intensité inégalée sur nos écrans télé en embrouillant le badaud comme aux grandes heures du Duc de Berry. Et si l’on a l’impression au milieu des débats de se retrouver devant l’émission de télé-crochet « The voice », c’est que l’héritage du crieur porte encore.
PHB
« Moyen Âge et publicité », jusqu’au 31 décembre
Tour Jean sans Peur, 20 rue Etienne Marcel, 75002 Paris
Bonne idée d’aller refaire un tour à la Tour Jean ! C’est un bel endroit paisible avant de se risquer dans la modernité bruyante de la rue Tiquetonne à la rue Montorgueil…