Adossé au boulevard périphérique parisien et le long du boulevard d’Indochine cet immeuble penché-vert-clair réinvente Paris sans plaire à tout le monde. Sans cohérence aucune il est prolongé d’un autre bâtiment déclinant une suite de volets allant de l’orange au rouge vif. Peu après, d’autres édifices tendent vers le marron avec pour le dernier des fenêtres jaunes évoquant des verres anti-brouillard.
Pour un piéton ignorant des arcanes de l’administration foncière il est quand même permis de se demander avec quels critères sont distribués à Paris les permis de construire. Une promenade le nez en l’air suffit à en identifier deux. Le premier consisterait à être bêtement dans la pile de différents appels à projets: il suffit d’attendre son tour. Pour le second et non le moindre, si la proposition est en rupture par rapport au bâti existant ou à venir, le tour est joué, le contrat gagné. Moche serait un plus.
Avec leurs défauts, chaque décade avait sa cohérence. On peut facilement s’amuser à reconnaître les façades selon qu’elles datent de Napoléon III, des années vingt, trente, quarante, cinquante et jusqu’aux années 90. Chacune a ses laideurs, ses banalités, ses réussites mais elles tracent l’histoire architecturale de Paris. Ce n’est plus le cas.
Il y a quelques bonnes surprises cependant, encore qu’il faille les dissocier de leur environnement pour les apprécier pleinement. Mais parfois il faut se demander si aucun filtre, aucune barrière de sécurité, la moindre preuve de bon sens enfin, n’ont fonctionné ou prévalu avant la signature du permis de construire.
Ainsi il a été construit, à l’extrême limite de Paris et des Lilas, juste derrière le cinéma en forme de méga-bunker, un immeuble construit à partir d’un broyat d’idées noires, un projet issu d’un rêve funéraire, un bâtiment rabat-joie destiné à congeler notre bonne humeur pour des siècles et des siècles, dont le rez-de-chaussée est en outre occupé par une garderie. Pauvres gosses. Ce n’est pas l’architecture en soi plutôt réussie qui plombe l’ambiance, mais la couleur, qui conviendrait mieux à une morgue qu’à un ensemble destiné à être habité et regardé. Cela pourrait être une erreur, allez disons-le une simple connerie car nul n’est à l’abri, mais non. Il suffit d’aller faire un tour par exemple du côté de la BnF et des nouveaux immeubles qui s’élèvent alentour pour découvrir là aussi une autre édification morbide, un puits de cafard, avec un système de volets ouvrant à moitié leurs écailles maléfiques sur l’extérieur.
Dans les années soixante, des urbanistes avaient promis de ne pas répéter les errements de la décade précédente et ainsi de suite jusqu’à 2017. Malgré tout il se trouve toujours quelqu’un ou plus sûrement un comité pour approuver de telles choses avec la bénédiction et même l’onction de nos édiles lesquels intiment aux passants de réinventer Paris toutes affaires cessantes.
Le moins que l’on puisse constater devant ce diaporama stroboscopique brassant le bon, le moins bon et trop souvent l’ultra-moche, c’est l’absence criante de repères, d’harmonie, de schéma directeur, de souci de plaire, simplement. On voit bien le côté « ville-monde » qui fait que même devant certaines réalisations originales, modernes et réussies comme ci-dessous, on pourrait se croire dans les Émirats ou à Singapour. Mais c’est sans doute la dissolution du lien parisien qui au final dérange.
PHB
Cher Philippe,
entièrement d’accord avec vous… Sauf sur l’emploi du mot décade !!!!
Vous êtes pardonné si vous me pardonnez mes trop nombreuses fautes d’orthographe qui parsèment mes envois car j’ai du mal à me relire correctement sur un écran…
Cher Philippe Person,
Vous avez bien raison. J’aurais dû écrire décennie. Je me fais relire chaque matin mais ma correctrice au regard d’épervier a survolé la faute de trop haut. Merci à vous. PHB
Cher Philippe,
Je serais personnellement enclin à abonder dans ton sens. Mes critères en matière d’esthétique architecturale rejoignent apparemment les tiens. Mais je me dis que les Philippe Bonnet de 1889 et 1977 aurait probablement émis pareilles réserves sur notre bonne vieille Tour Eiffel et sur le « meccano » de Beaubourg… Le temps a passé et l’une comme l’autre -et bien d’autres bâtiments en rupture esthétique avec leur époque- se sont installés dans notre paysage et ont gagné notre indulgence, voire notre attachement. Pas plus que le général de Gaulle mis en examen, je n’imagine aujourd’hui Paris sans sa Tour ou sans sa raffinerie polychrome.
Les architectes sont aujourd’hui très enclins à extraire les bâtiments qu’ils projettent, des des contraintes de l’alignement et de la perpective. Hormis ceux que vous avez décrit, sortes de cube ou de parallépipède en distortion immanente, on voit émerger tout un assortiment de constructions presque banales dont l’attrait supposé tient à un bardage métallique, une carapace dorée, irisée, crispée, ou encore ornés de curieuses fenêtres qui tiennent de la meurtrière médiévale… Entre la banalité laide des immeubles 70 à motif récurrent et la dinguerie twistée, que détester le moins, tandis que la ville aimée avec un brin de nostalgie nous échappe lentement, ce que dit votre article et dont on a peine à ne pas convenir.
Dans le passé, les villes avaient une harmonie d’ensemble, une unité qui était le miroir d’une société. Aujourd’hui, tout se déintègre et s’éffiloche, comme les vêtements « trash » portés par nos sociétés. On a perdu nos repères, notre sens de l’esthétique, et, avec arrogance et mépris pour le goût et les désirs du public, on s’acharne à détruire le patrimoine et l’esprit de Hauussmann. En devenant « ville-monde » comme vous qualifiez Paris, à juste titre, une de plus, non seulement Paris accumulent des laideurs architecturales, mais elle perd aussi son âme. Auriez-vous remarqué le train « Disney » qui promène les touristes au Quartier Latin?
Bravo. C’est le fin de l’ancien PLU qui a permis ces atrocités, n’est pas?
Positivons… si par exemple ce immeuble épinard-orange était une référence en matière d’urbanisme de notre siècle, il y aurait des quartiers entiers d’épinards-oranges…
Ouf on diversifie ! Je ne pense pas que ces constructions durent autant que les immeubles Hausmaniens …
Je pense à pas mal de constructions des années 70 qu’il faut maintenant raser !
Façadisme ou plus? A déguster ou pas la diversité architecturale boulevard Mac Donald et la vue que l’on en a depuis la station de RER Rosa Park. Personnellement je m’interroge sur la pertinence de ce catalogue de matériaux.
Densifier disaient ils, et moi ça me fait peur