Le disque incandescent du soleil apparaît sur un écran noir, suivi par des images chaotiques de civils durant la guerre en Irak. L’artiste a fait sienne la théorie des penseurs russes à la fin du 19e siècle, laquelle voulait établir un lien entre l’activité solaire et les événements terrestres. Cette projection signée Melvin Moti, clôt le parcours de l’exposition « Strange Days » au Frac Île de France. Sans dénigrer la valeur des œuvres exposées on ressort du lieu avec une sensation de léger creux stomacal.
Autrement appelé Le Plateau en ce qu’il se trouve tout en haut des Buttes Chaumont à l’emplacement des anciens studios de l’ORTF, Le Frac nous avait habitué à beaucoup mieux, à davantage de densité, de richesse, d’audace et d’originalité. C’était il y a longtemps en 2011. Il y avait eu «Prospective XXIe siècle» (1), qui proposait un travail compliqué mais riche sur la mémoire avec un joli piège en bout de course pour ceux qui mordaient à l’hameçon et puis dans la foulée « Nul si découvert » (2), soit tout un propos sur le mystère intrinsèque du travail artistique ou encore un travail pas loin d’être génial sur le droit somnambule une année plus tard, « Through somnambular laws » (3). Rien n’était évident, tout était difficile d’accès, mais se prendre au jeu en valait la chandelle.
« Strange days » jusqu’au 16 avril n’est plus que la trace de ces jours heureux. Le fil directeur est pour le moins flou, la cohérence entre les différentes pièces exposées difficile à identifier sauf à postuler que c’est cette incohérence justement qui cimente l’ensemble. Le seul lien solide nous précise-t-on, c’est que les œuvres sont issues des dernières acquisitions du Frac. Mais si l’on veut bien convenir qu’un intitulé clair contribue à la compréhension d’une proposition globale, nous sommes ici face à une vacuité, au mieux une indigence.
Selon le commissaire de l’exposition Xavier Franceschi, les pièces exposées « se distinguent par un ensemble de caractéristiques –tension, incertitude, absence, désagrégation, violence…– qui résonnent en nous de façon étrange au regard de nos connaissances – qu’il s’agisse de (géo)politique, d’économie, d’écologie, etc – du monde actuel« . Malheureusement, il ne se trompe pas et l’on pourrait disposer sur l’espace dévolu toutes sortes d’objets issus de nos caves et de nos greniers qu’il aurait toujours raison.
Bienheureusement, il s’agit de travaux artistiques et l’œil pourra toujours se consoler à les prendre à part l’un après l’autre avec comme seul viatique tangible une « sélection des dernières acquisitions du Frac ». La réalisation de Zbynek Baladran « Another Five Exercises » nous interpelle par son élégante disposition spatiale et celle Gyan Panchal « L’aveugle » (ci-dessus), intrigue par son hermétisme jusqu’à l’explication salvatrice de la médiatrice. Cela console un peu.
Les trois projections en boucle sollicitent les bonnes dispositions de notre onirisme jusqu’à celle de Melvin Moti qui débute avec la décapitation de Mary Stuart et se poursuit avec ce soleil qui du haut de sa fournaise sème désordre et zizanie sur terre. A l’envers de cette projection se situe une table garnie de livrets sur le cosmos et ce bel élément de scénographie, comme cela arrive de temps en temps, constitue une œuvre sans préméditation. Quand le décor compense cependant, c’est mauvais signe.
« Strange days » ressemble à un de ces films sans scénario, avec une faible intrigue en guise de colonne vertébrale et se rattrapant de justesse avec la qualité de jeu des acteurs. Mais un manque général s’entête à nous frustrer. Davantage de consistance n’eût pas nui.
PHB
« Strange Days » jusqu’au 16 avril. Frac île-de-france, le plateau, 22 rue des Alouettes 75019 Paris
Accès métro : Jourdain ou Buttes-Chaumont / Bus : ligne 26 Tél:+33(1)76211341
Entrée gratuite
(1) « Prospective XXIe siècle »
(2) « Nul si découvert »
(3) « Through somnanbular laws »
Fumisterie, fric et vaine prétention.
Et toujours en english pour internationaliser la prétention
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