Pétard mouillé au Théâtre de la Ville

Le Théâtre de la Ville nous a offert une belle leçon en invitant VA Wölfl du 24 au 29 mars. Une bonne leçon de vacuité théâtrale, un grand moment de solitude, où l’on pense vite à la prise d’otages, où l’on espère la sortie, le bon air printanier de la Place du Châtelet.

Le titre déjà laisse songeur et présente toute l’arrogance malheureusement de l’oeuvre : «Ich sah : Das Lamm auf dem Berg Zion, Offb. 14,1». Et pour ceux qui ne maîtrisent pas la douce mélodie allemande, «Et je vis l’agneau sur la montagne de Sion, Apocalypse 14,1». Brrrhhh ! Nous ne sommes donc pas là pour rigoler, comme nous le rappellent le crâne et le Christ en Croix du livret, mollement distribué par les hôtesses vêtues de noir (what else?) et au visage déconfit (elles sont là chaque soir, dur). Contribuable parisien, toi qui aussi a financé cette représentation, je t’offre ce billet.

Sur scène, micros brûlés, clavier joué en haut d’une échelle, chants baroques en play-back, revolvers de pacotille (chacun des comédiens, oh, pardon, des danseurs, en est pourvu, on se réjouit qu’ils demeurent silencieux, redoutant à chaque instant la pétarade). Le public subit une succession de scènes, souvent bien longues et répétitives. Dans la salle, des petits cyprès gâchent la vue sur la scène (certes, ce n’est pas un grand mal), ils sont juste là pour se mettre à tourner quelques minutes. C’est ridicule. Point de danse, des effets lumineux ou sonores, un texte et des enchaînements qui ne sont qu’un vaste pétard mouillé. On espère, mais tout finit avant d’avoir commencé.

Me voilà en réalité sans doute bien grincheux, tout adepte pourra m’expliquer que je n’ai simplement pas compris le jeu. Je l’avoue. «Nous ne sommes pas ennuyeux car nous sommes à la mode» martèle en anglais un participant à cette cacophonie. Ingénieuse dénonciation des caprices de la société de consommation, diront les amateurs. Triste farce à mes yeux. Pour preuve de mon ignorance, deux avis élogieux glanés au hasard, dans Le Monde et Télérama (via une chronique «Sortie de salle» sur France Info), c’est dire si la concurrence est rude. Les deux critiques assuraient que la représentation était de qualité car à son issue, de nombreux spectateurs discutaient avec leurs voisins.

Belle communauté, magie rassembleuse du théâtre!  Télérama nous assène même que le spectacle «donne le sourire». Las, en fait de discussions de voisinage, le spectacle, fort court, s’achève en mirage. La fin n’est pas annoncée, la scène reste vide, lumières allumées. Le public attend en réalité la suite. Qui ne viendra pas. Pas de salut des comédiens, quelques maigres applaudissements. Ceux qui avaient quitté la salle pendant le spectacle auront au moins échappé à ce final.

Courageux, le maître des lieux, Emmanuel Demarcy-Mota, assiste au naufrage sur le côté de la salle. Il a consolé mon chagrin. En me confiant que son rôle de directeur d’un théâtre public est bien  de proposer une large palette de la création actuelle. Le pire est qu’il a raison, mille fois raison, bien sûr. Gare aux mauvaises pioches, elles raviront sans doute d’autres joueurs à la grande loterie du choix des spectacles. Et les déceptions nous feront apprécier davantage encore les bonnes surprises. Ca tombe bien, Emmanuel Demarçy-Mota enfile sa casquette de metteur en scène pour nous proposer le mois prochain une « re-création » du Rhinocéros d’Eugène Ionesco.

Monsieur le directeur me promet déjà une prochaine nouvelle invitation de VA Wölfl. Nous sommes prévenus. En attendant, rendez-vous le 23 mai pour la présentation de la prochaine saison.

Le Théâtre de la Ville

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Une réponse à Pétard mouillé au Théâtre de la Ville

  1. Judith Bacon dit :

    Merci Byam pour ce billet qui m’a réjouie. Je me suis retrouvée un instant à Anvers, devant Je suis sang de Jan Fabre, au milieu de chignons et costards anversois, de la belle crème molle d’un public dit à la pointe.
    Et puis, une seule tirade : corps nus, cris, sang / corps nus, cris, sang / corps nus, cris, sang /. Quelques variations : corps nus difformes, cris, sang, sexe /corps nus difformes, cris, sang, sexe /corps nus difformes, cris, sang, sexe /.
    Les Soirées de Paris honorent ses abonnés. Quel bonheur : tirer avec intelligence sur les artistes qui font dans le sur-pédant et sur les Téléraméens (y voir une espèce qui se déplace en troupeaux) . Ce n’est pas rien que de donner de l’air à ses lecteurs. Bravo !

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