Surtout vers la fin, le réalisateur Denis Villeneuve nous emmêle un peu les pinceaux dans son propos général sur les extra-terrestres. Mais son film « Premier contact » ne commence pas si mal avec un bon dosage de normal et d’anormal, soit la clé d’un film de science fiction-réussi. L’intrigue tirée d’un roman de Ted Chiang est ultra-simple : solliciter une linguiste pour entrer en contact avec des envahisseurs inattendus dont le gouvernement américain aimerait bien connaître les intentions avant d’envoyer les troupes.
Comme dans son « Sicarios », Denis Villeneuve a misé sur un personnage dépouillé de tout sex-appeal, du moins aux normes en cours. Le personnage de Louise Banks, interprété par Amy Adams, a la morne apparence d’un professeur d’université spécialisé dans les modes de langage. Séparée de son mari, on apprend assez vite que sa fille est morte d’une grave maladie et pour aller vite, un général de l’armée américaine (Forest Whitaker), l’embarque dans un hélicoptère pour établir un dialogue avec ces migrants venus des confins de l’univers. Leur mode de transport zéro-carbone, ressemble à un gland géant dont douze exemplaires se sont posés un peu partout dans le monde. La mission de Louise Banks est de comprendre le plus vite possible s’ils sont venus ajouter des emmerdements extra-terrestres à toute la misère de l’humanité qui déborde.
Louise Banks est une vraie spécialiste. On ferait bien appel à quelqu’un comme elle au passage, pour décrypter de ce qu’a bien voulu dire Stéphane le Foll lorsqu’il nous explique la stratégie complexe de François Hollande, c’est drôle comme cette idée déplacée nous vient à l’esprit durant la projection. Dans un cas comme dans l’autre, c’est un vrai boulot sauf qu’en l’occurrence, les individus en question se présentent sous la forme d’heptapodes qui ne sont pas sans évoquer les araignées de mer. Mous, gluants, empruntés, équipés de 7 mandibules à ventouses, ils n’ont rien pour séduire.
A vrai dire, Denis Villeneuve réussit sur les deux tiers à nous embarquer dans cette folle histoire. Les effets spéciaux s’écartent avec bonheur des procédés habituels en nombre et en genre. L’atmosphère bien inquiétante nous est perfusée efficacement et nous attendons le dénouement de l’affaire dans un suspense assez bien construit.
Mais quand arrive le dernier tiers, au bout de quelques séquences tirant en longueur, le réalisateur nous laisse le temps de vérifier discrètement nos emails sur notre téléphone. Et puis surtout le scénario se met à divaguer sinon tanguer, affectant dans le même temps nos dispositions à nous laisser porter par la bonne vague de départ. Un flashback nous permet de comprendre (c’est un grand mot) que l’enfant de la linguiste avait de son vivant des dispositions au « flashforward », comprenez par là qu’elle avait pressenti l’événement. D’autre part, le partenaire-physicien de Louise Banks (laquelle commence aussi à avoir des visions) qui parlementait avec les aliens dans le genre « nous-amis« , était en fait le père de la fille (sous réserve de meilleure expertise) et pour le spectateur non porté sur toutes ces choses, la fin devient du coup un peu ardue.
Alors que le générique de fin s’approche et que le conflit interplanétaire s’achève en évitant de justesse une hécatombe généralisée, le scientifique complice fait un aveu saisissant à l’oreille de Louise Banks. Il lui dit en substance que finalement dans cette affaire d’heptapodes, ce qu’il a préféré c’est elle, la linguiste bipède. Comme pour l’affaire récente de la non-dictature castriste, les bras nous en tombent. On préférera revoir « Sicarios », avec le canon du pistolet de Benicio del Toro vissé sur la tempe.
PHB
Cher Philippe, merci pour ce beau billet non dénué d’humour. Je me demandais justement si j’allais me risquer à voir ce film. Vous avez répondu à mes interrogations. Amitiés. Isabelle.