Son nom sonne comme celui d’un candidat de la gauche à la présidentielle, certaines de ses formes évoquent la comète Tchouri ou une planète hostile. Sa peau ingrate qui imite une planche de dermatologie ne fait pas saliver à l’avance. Il vaut moins de trois euros le kilo, c’est le topinambour. Comme il est arrivé en France en même temps qu’un groupe amérindien au 17e siècle, une confusion géographique a fait qu’on lui a donné le nom de cette délégation tribale en tournée d’exhibition.
Le marchand de légumes qui fait le coin ne maîtrisait pas bien l’orthographe de son légume, il a cru bon de l’écrire « topinanbörg » allez savoir pourquoi. Il n’y en avait que deux kilos sur l’étal en début de journée c’est dire que le retour du produit dans toute sa gloire n’est pas encore achevé. Il y a une raison à cela. Avec le rutabaga, le topinambour n’était pas rationné durant la seconde guerre mondiale. Les Français en ont donc consommé jusqu’à écœurement faute de pommes de terre. A la libération, plus personne ne voulait en entendre parler. Dans le « Passe-muraille » Marcel Aymé évoque bien le « sandwich aux topinambours » mais il faut bien admettre, après des recherches poussées sur le web, que cet hélianthe tubéreux est bien rare dans la littérature française.
Maintenant que ces événements sont bien loin derrière nous et espérons-le sans idée de retour, l’expérience vaut les 20 minutes de cuisson tant le résultat, du moins pour un premier essai s’avère probant. Comme éplucher un topinambour est encore plus fastidieux que la même opération pour le traité de Maastricht, on se contentera de frotter doucement les tubercules sous un filet d’eau fraîche. A l’instar des pommes et des pommes de terre c’est encore meilleur avec la peau.
Pour vérifier que les éléments sont bien cuits, il suffira d’en percer un avec la pointe d’un couteau: s’il s’enfonce facilement, c’est qu’il est mûr. Afin d’éviter les grosses plaques de peau, on le découpera en petits morceaux avant de broyer l’ensemble au presse-purée tout en y ajoutant un peu de lait, du beurre ou de la crème fraîche. Une grosse pincée de sel, une dispersion plus modeste de poivre, c’est prêt. Il existe dit-on sur « marmiton.org » mille et une façons de le cuisiner mais cette version basique apparaît comme une étape indispensable avant de se lancer plus avant. On constatera que la purée légèrement sucrée qui en résulte est bien moins étouffante qu’avec la pomme de terre et que la peau conservée ajoute un léger craquant prévenant pour le palais, agréable sous la dent. En rajoutant deux œufs le cas échéant et quelques copeaux de parmesan à cet écrasé de topinambour, on peut aussi obtenir, pour quelques minutes de plus, une omelette cousine de celle aux truffes. Euh… et ne pas oublier un peu de bicarbonate de soude pour ne pas voir son estomac jouer les zeppelins nocturnes.
Dans une interview express de 60 secondes (1) le Premier ministre canadien Justin Trudeau a avoué en décembre 2015 que son mot français favori était « topinambour« . S’il l’avait prononcé comme en 1645 dans sa première écriture, « tououpinambaoult », il aurait eu sans doute plus de mal mais nous aussi, surtout avec la bouche pleine.
PHB
Quel que soit le sujet, vous lire, cher Monsieur, est toujours un bonheur.
Voilà qui redonne à la racine honnie ses lettres de noblesse !
Merci pour ce beau texte sur ce légume oublié un temps, mais à nouveau sur nos étals, bio oblige !
De culture facile, d’une exubérance extrême, la plante, lorsqu’elle s’installe au potager, se voit de loin, vue sa haute taille (2 mètres de haut) et il est fort difficile de s’en débarrasser …
Mais qu’ il est goûteux, à petite dose, cet « artichaut de Jérusalem », en purée, en velouté mais aussi en gratin, recouvert de sauce et de jolis champignons !
JH
Excellent en soupe. Pour l’éplucher facilement, il faut le pocher comme les tomates (conseil de ma marchande de topinambours sur le marché Richard Lenoir.