La Seine exhibe ses délicats dessous

La Seine. Photo: PHB/LSDPAvec le soleil qui s’attarde, il est possible de s’émouvoir par transparence de la faune et de la flore qui garnit l’envers de la Seine, comme ci-contre à Paris, à la hauteur du parc André Citroën. L’herbe subaquatique y est bien verte et les petits poissons s’ébattent entre stationnement méditatif et brusques accélérations. Ce qui n’était plus possible à voir dans les années soixante-dix à cause de la pollution, est revenu. C’est ce que nous explique une remarquable quoique modeste exposition au Pavillon de l’Eau.

Anne-Cécile Monnier est photographe et ce qui nous est donné à voir en l’occurrence de son travail ce sont les photos qu’elle a prises sous la Seine depuis l’amont jusqu’à Paris. En aval de la capitale il y aurait soixante-quatorze espèces de poissons répertoriées dont des truites, des saumons, des tanches, des carpes, des perches, des grémilles, des sandres… Il y a quarante ans tout ce petit monde ne supportait plus le péage parisien, ce qui fait qu’au sortir de la ville, la plupart avait suffoqué en route faute d’oxygène. Sous la houlette de Jacques Chirac maire de Paris puis sous celle de ses successeurs, l’eau de la Seine est devenue plus propre et l’on dénombre désormais 25 espèces en aval. Il faudra d’ailleurs y rajouter un de ces jours des humains puisque cet objectif fait partie des fameux « vœux » municipaux dans le cadre de la bonne humeur obligatoire et plus précisément des jeux olympiques de 2024.

Contrairement au canal de l’Ourcq, il est impossible de vider la Seine pour découvrir ce qu’elle cache dans son limon. On y a trouvé de vieilles embarcations deux fois millénaires sur les bords, dans le contexte de différents aménagements. Mais dans son milieu, dans son tréfonds multi-séculaire, on ne le saura sans doute jamais. On ne peut qu’imaginer que le fleuve y conserve encore quelques ossements de mammouths, casques mérovingiens, bombes allemandes égarées, armes du crime, squelettes de suicidés ou de trucidés et les inévitables chariots de supermarchés qui font la joie des moules d’eau douce.

Aspect de l'exposition. Photo: PHB/LSDP

Aspect de l’exposition. Photo: PHB/LSDP

Cette exposition nous apprend également que les sources de la Seine nichées sur le plateau de Langres à quelque 440 mètres d’altitude sont, allez-savoir pourquoi, propriété de la ville de Paris depuis 1864. D’un des panneaux exposés on peut en déduire qu’il s’agirait d’une décision de Napoléon III. Pourtant Paris n’en laisse couler qu’une infime longueur eu égard aux près de 800 kilomètres du fleuve. Du côté de Troyes un spécialiste du saut en longueur la franchirait presque d’un seul bond tandis qu’à hauteur de Rouen ou du Havre la Seine déploie une ampleur impressionnante aidée en cela par le concours d’affluents importants comme la Marne ou l’Oise.

« La Seine sous la surface », soit le titre de l’exposition, nous laisse un peu sur notre faim. Le pavillon de l’eau n’a concédé à Anne-Cécile Monnier qu’un demi sous-sol alors qu’à l’étage au-dessus, l’expo sur le fleuve Colorado occupe toute la surface disponible. La différence en tout cas c’est qu’en sortant de la première et moyennant quelques pas on peut aller retrouver la Seine à l’aplomb du Pont Mirabeau. Selon Apollinaire elle y charrie nos peines et nos amours et en plus elle nous abreuve, voilà pourquoi on l’aime.

PHB

« La Seine sous la surface ». Jusqu’au 30 décembre. Pavillon de l’eau, 77 avenue de Versailles 75016 Paris. Entrée libre.

L'affiche de l'exposition. Photo: PHB/LSDP

L’affiche de l’exposition. Photo: PHB/LSDP

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Une réponse à La Seine exhibe ses délicats dessous

  1. Intéressant papier, je connais bien ce pavillon de l’eau dont j’admire l’architecture en brique, et je crains depuis pas mal de temps que madame Hidalgo, n’ayant aucun souci du patrimoine parisien, ne le récupère pour en faire des bureaux, of course…

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