De jour comme de nuit l’église Saint-Joseph fait son show. Elle ressemble à une fusée-musée à Cap Canaveral. Du haut de ses 120 mètres elle est un point de repère facile pour les habitants du Havre et c’est l’édifice que les nombreux bateaux qui croisent au large aperçoivent en premier depuis la Manche. Conçue par Auguste Perret elle fêtera ses 60 ans l’année prochaine, tandis que la ville, elle-même voulue par François 1er, célèbrera ses 500 printemps.
« Made a clean sweep of the past » (1) ont dû se dire les aviateurs anglais en larguant leurs bombes au phosphore sur Le Havre en 1944. Car il n’y avait semble-t-il aucune raison militaire valable de détruire ce qui est aujourd’hui le centre ville. Par milliers, pendant et après, les habitants ont péri sous un déluge de feu. En conséquence, l’accueil fait par la suite aux libérateurs a été un peu frais.
La reconstruction, basée sur une profondeur d’un mètre de gravats, confère encore aux aîtres une atmosphère étrange. La ville a été redessinée de façon rationnelle, multipliant perspectives, parallèles et angles droits. Les très larges voies offrent toute la place possible aux piétons, cyclistes et automobiles. L’avenue Foch qui part de la gare jusqu’à la plage est traversée dans les deux sens par un tramway qui file silencieusement sur un tapis gazonné. De hauteur raisonnable, les immeubles laissent voir le ciel partout. La proximité de la mer aère l’ensemble faisant du Havre une des villes les moins polluées d’Europe.
A deux heures de Paris et bientôt une heure et quart par TGV si l’on en croit les augures, Le Havre est une destination pleine d’un charme singulier. A la sortie du beau musée André Malraux, juste après avoir traversé la rue, l’œil embrasse un panorama portuaire qui excède les 180°. Des zones de stockage à l’ouest, deux grandes cheminées à l’est, composent un paysage industriel assez exceptionnel entre ciel et eau.
En ville le passage par la zone dite des « volcans » est indispensable. Les deux constructions dessinées par Oscar Niemeyer transfigurent une très vaste esplanade. L’ensemble a été inauguré en 1982. Au départ leur vocation était une maison de la culture, désormais il s’agit davantage d’une double structure destinée à jouer et produire des spectacles. Lumineuses jusqu’à l’éblouissement elles sont l’aboutissement d’une autre et gigantesque perspective matérialisée par le bassin Vauban. A l’autre extrémité, l’hôtel Mercure oppose une architecture des plus ingrates, mais il est si loin.
Le Havre c’est aussi la mer, une grande plage de galets et beaucoup de cabanons blancs où l’on y cultive le sens de la famille en dégustant au hasard des frites de « Chez Victor » (depuis 1927 selon l’enseigne). L’une des distractions possibles et qui se répète tous les jours est de regarder les gros bateaux qui vont et viennent à l’orée du port. Sauf pour ceux qui embarquent des passagers vers l’Angleterre ou l’Irlande leurs destinations ne sont pas affichées. Mais il est plaisant d’imaginer qu’elles sont des plus lointaines, donnant au Parisien de passage l’envie d’aller plus loin.
PHB
(1) « Du passé faisons table rase »
NB1: L’hôtel « Vent d’ouest », à proximité de la mer et au pied de l’église Saint-Joseph est recommandable. Accueil et confort remarquables.
NB2: Comme dans certaines villes de province, au Havre, les automobiles s’arrêtent spontanément pour laisser passer le piéton. Pour un Parisien c’est aussi déconcertant que dépaysant.
Auguste Perret est un cas fascinant, puisque ce précurseur du béton, devenu célèbre après avoir construit le théâtre des Champs-Elysées en 1913, fut ensuite tenu pour quantité négligeable par Le Corbusier et sa clique.
A Paris, on lui doit notamment la Palais d’Iéna et la salle Cortot.