A la recherche d’un lieu insolite et décontracté de plusieurs hectares où venir boire une bière cet été? C’est tout trouvé. L’adresse ne sent pas le sexy : 26ter rue Ordener dans le 18e arrondissement, juste à côté du métro Marcadet-Poissonniers. Certes, rien à voir avec la Cité de la mode tendance sous laquelle le bar éphémère Ground Control s’était installé avec succès précédemment. C’est donc rue Ordener, dans un quartier très populaire du Nord-est de Paris que le bar éphémère resurgit et pour son plus grand bien. Baptisé « Grand Train », le projet mené par Ground Control et la SNCF s’est transporté sur un ancien site ferroviaire, voué à la démolition.
(Photo ci-dessus: Gérard Donnat)
La grille d’entrée ne paie pas de mine mais un grand panneau signale que « Grand Train » c’est ici. Après une fouille débonnaire des sacs, effectuée par deux gardes sculpturaux, on descend un escalier et on débarque dans l’ancien dépôt de La Chapelle. Créé en 1845, il a longtemps été affecté à l’entretien et à la réparation des locomotives de la zone Gare du Nord. Il a définitivement fermé en 2013 étant inadapté aux rames modernes.
Que faire de 5 hectares d’entrepôts qui ont perdu leur raison d’être au cœur de Paris ? La réflexion a été menée bon train. Conduite par SNCF Immobilier via sa filiale Espaces ferroviaires, en concertation avec la Ville de Paris, la mairie du 18e ainsi que les associations et riverains, elle a débouché sur un projet multidirectionnel de reconversion à l’horizon 2020-2023. Une partie de l’entrepôt donnera naissance à la reconstitution de 5 voies de remisage de trains et, un nouveau quartier de 3,7 hectares verra le jour avec 500 logements, des commerces, des équipements publics (crèches et écoles) et un jardin.
En attendant, place à la fête, la bière, la bouffe, au divertissement mais aussi à la culture ferroviaire grâce au bar éphémère Grand Train. Ici, on est ailleurs. On se prélasse dans des transats sous des parasols-parapluies sur les voies ferroviaires désaffectées, on squatte les quais, les cours pour prendre place autour de grandes tables et partager des pichets de bière en toute convivialité. On retrouve à la fois l’ambiance « biergarten » berlinoise et la touche française. Estomacs nationaux obligent, ce ne sont pas moins d’une dizaine de restaurants qui peuplent les lieux. Du style fast-food ou food-truck certes, mais du fast-food assez raffiné. Côté prix, le demi pression est à 4 euros, la bière bouteille à 6 euros. Les sandwichs cuisinés maison ou le hot dog 100 % pur bœuf, pain d’artisan boulanger avec ingrédients frais sont à 7 euros et, le bibimap coréen à 11. Voilà pour la satisfaction des besoins de farniente.
A cela s’ajoute un parcours réjouissant et décalé dans l’univers des chemins de fer et du voyage car Grand Train retrace aussi l’histoire du bâtiment et des matériels roulants hébergés de 1845 à 2013. Les amoureux des trains ne sauront plus où donner de la tête à la vue de la vingtaine de superbes locomotives exposées là : premières locomotives à vapeur ou électriques, Micheline, train corail… Les aficionados de maquettes ne seront pas en reste avec les trésors présentés dans un vaste espace.
Pour continuer la flânerie et en savoir plus sur la mécanique et les voyages, un arrêt à la librairie de La Vie du rail est requis. A moins qu’on ne préfère s’arrêter chez le tatoueur mais pas forcément pour faire orner son biceps d’une locomotive ou de rails. Espaces de jeux pour les enfants, terrains de pétanque, baby-foot, concerts, magasin d’objets vintage « Le bon coin », dancing, il y en a pour tous les gouts.
Le parcours dans les entrepôts est d’autant plus attrayant, que la déco de meubles chinés est top et met parfaitement en valeur le patrimoine industriel, resté brut. On se croirait dans un décor de film. A propos de film, « Grand Train » a aussi sa salle de projection pour un voyage à travers le cinéma. Et partout sur les murs, textes d’écrivains et de chanteurs, photos et illustrations évoquent poétiquement le voyage.
L’ambiance de « Grand Train » est jeune et plus cool que bobo. Le bar éphémère s’éteindra le 16 octobre et après… le lieu sera certainement détruit. Pas la peine de se manier le train donc mais pas question non plus de le rater. Il serait dommage de se priver de ce voyage éphémère et ludique au sein du patrimoine ferroviaire.
Lottie Brickert
Grand Train – 26ter rue Ordener (Paris 18e) – Espace éphémère du 4 mai au 16 octobre 2016 – Ouvert du mercredi au dimanche de 11h à 23h30 – Entrée libre.
Que va devenir cette friche à l’issue des aménagements éphémères?
La maire de Paris, grande destructrice du patrimoine parisien, ne se soucie certainement pas de sa sauvegarde….
Bel article sur ce lieu éphémère.
Mais quelle tristesse de constater qu’on ripaille sur les dépouilles d’une SNCF moribonde, victime expiatoire de décisions politiques inconséquentes. A l’heure où nos décideurs se gaussent d’écologie et d’environnement, on force la SNCF à brader un patrimoine foncier situé en coeur d’agglomération, qui permettrait d’alimenter « proprement » la capitale, alors que la ronde des poids lourds sur le boulevard périphérique l’asphyxie plus que jamais dans l’indifférence générale…
Si le lieu est éphémère, reste l’humour de cet article.