A la fin de l’exposition Céramix qui vient de débuter à Sèvres, se trouve une fascinante armoire. Cette œuvre, signée Klara Kristalova, hypnotise. Les deux grandes portes largement ouvertes découvrent des effigies de céramique plus étranges les unes que les autres et une d’entre elles, assise sur le bord de l’étagère, semble jeter un charme au visiteur. Cette expo qui court jusqu’au 12 juin à la Cité de la céramique et à La maison rouge (nous n’avons pas vu cette dernière) se conclut par une bonne note.
A vrai dire ce n’est pas toujours le cas de cette scénographie qui entend démontrer par une large réunion d’artistes, que la céramique n’est pas forcément un art mineur. Une constante cependant, est que l’on va de surprises en surprises et c’est bien le propre d’une manifestation réussie, même si les surprises en question peuvent heurter par leur goût discutable.
Il y a en effet dans certaines œuvres présentées, y compris une de Picasso, un style propre à ce que l’on fait de plus moche ou de plus kitsch dans les souvenirs de bord de mer avec force couleurs dégoulinantes. Devant elles, le front se plisse à l’unisson des sourcils qui passent en position circonflexe.
Ces réalisations particulières, qui peuvent donc faire tiquer, ont au moins le mérite d’offrir un contraste des plus favorables à d’autres incursions mille fois plus créatives dans les possibilités de cette matière à part qu’est la céramique. Chronologique, le parcours de cette présentation au nom qui n’est pas sans évoquer une célèbre BD, nous donne à connaître ou reconnaître de remarquables formes signées Rodin, Miro, Dufy, Gauguin, Derain, voire Lucio Fontana. S’y ajoutent deux trois choses de l’inévitable Ai Weiwei qui n’a pas son pareil pour s’imposer partout où c’est possible, dans un style répétitif d’art-conceptuel-infiltré qui va devenir si ce n’est sa marque, au moins son fonds de commerce. Dans le cas qui nous occupe, il s’agit de trois grandes photos le présentant en train de lâcher par étape une pièce (de céramique) par terre pour qu’elle se brise. Dans le genre « vous avez un nouveau message », il fait partie ici d’un groupe de trois artistes (avec Ni Haifeng et Bita Fayyazi) dont le propos, nous indique une notice, est de faire de la céramique «un outil de critique sociale et politique» et d’aborder «des questions liées à l’authenticité, au pouvoir et au post-colonialisme». C’est bien enregistré.
Le troisième niveau, sous les toits au-dessus des (remarquables) collections permanentes, donne la part belle au contemporain dans ce qu’il comprend de mieux en audace et en inspiration.
Là un corps tronçonné, allongé et piqué de roses, ici une sorte de vagin hypertrophié, un étrange personnage stylé comme un valet de carreau qui vous toise par devant et par derrière, un livre comme ensablé: la scénographie cette fois fonctionne à fond avant de se terminer par cette armoire dont nous parlions plus haut et qu’il serait impossible de loger dans une chambre à coucher tant elle semble faite pour posséder l’esprit qui s’y attarderait.
PHB
A la Cité de la Céramique (Sèvres jusqu’au 12 juin) et à la Maison Rouge (Paris Bastille jusqu’au 5 juin).
Selon mon expérience, les expositions de la Cité de la Céramique à Sèvres sont toujours passionnantes, donc en voilà un nouvel exemple.
Question: qu’est-ce que « l’art-conceptuel-infiltré » ?
Chaleureusement,
LBM