« Demain, à 7 heures, il arrivera une chose étrange : la terre s’assiéra sur la lune. Le célèbre chimiste anglais Wellington a écrit là dessus. J’avoue que j’ai ressenti une angoisse au coeur quand je me suis imaginé la mollesse et la fragilité de la lune. La lune se fait ordinairement à Hambourg, et elle s’y fait très mal. » Nicolaï Gogol « Le journal d’un fou ».
Habité, intense, le comédien Antoine Robinet prête sa voix timbrée à la diction parfaite et son corps de jeune homme à Poprichtchine, le personnage de ce fonctionnaire russe affecté au taillage des plumes au service du tsar dans la Russie de Nicolaï Gogol.
Dans cette petite salle du Guichet Montparnasse et dans ce monologue auquel l’auteur a donné la forme d’un journal -une nouvelle à l’origine-, le jeune acteur est au plus près de son public, le regard halluciné, il déroule le fil du « Journal d’un fou » et nous fait redécouvrir toute la richesse et la modernité d’un texte presque 2 fois centenaire -180 ans en 2015-, dans sa traduction originale signée Louis Viardot (1845).
Dans la mise en scène de Bruno Dairou, la folie nous est livrée progressivement, petit à petit, au fil d’un récit cohérent et ordinaire. Il nous raconte son quotidien de petit fonctionnaire avec son lot de brimades et d’humiliations de la part de ses supérieurs et son fol espoir, son fol amour pour la fille de l’un d’eux. Puis, c’est le dérapage.
Tout bascule, l’absurde, l’étrange entrent en scène, la folie déroule son univers et explose. On apprend que notre héros parle couramment le langage des chiens, évite les collisions stellaires et est promis au trône d’Espagne. Antoine Robinet joue avec nos émotions et nous emmène entre rires et larmes entre comique et tragique notamment quand on devine au fil du récit les révélations sur les mauvais traitements infligés aux malades mentaux et qu’on réalise qu’il est enfermé, depuis le début de son monologue.
Une réussite magistrale signée la Compagnie des perspectives. Antoine Robinet fait déjà partie des « Grands ».
Marie-Pierre Sensey
Au Théâtre Le guichet Montparnasse jusqu’au 20 mars les vendredi, samedi et dimanche.
Merci, cela donne très envie.
Très alléchant!
Moi qui me flatte d’adorer Gogol depuis toujours, je ne me souviens pas avoir lu le « Journal d’un fou » que je vais acheter de ce pas.
Les « Ames mortes » et « Le Nez » ont bercé mon adolescence…
Lise Bloch-Morhange