Au Louvre Lens, on embrasse qui on veut

Aspect de l'exposition "Embrassez qui vous voudrez". Photo: Gérard GoutierreTandis que le palais des Beaux-Arts de Lille veut convaincre ses visiteurs de la « Joie de vivre » (une centaine d’œuvres de styles, d’époques et de provenances diverses illustrent ce thème, jusqu’au 17 janvier), le Louvre Lens, à une trentaine de kilomètres, invite carrément au bal.

Prenant comme titre des paroles d’une célèbre comptine « Dansez, embrassez qui vous voudrez », l’exposition, proposée par Xavier Salmon, regroupe plus de deux cents œuvres, toutes d’importance, traitant directement de la galanterie au XVIIIe siècle. Une période unique dans l’histoire française, où la paix revenue et une certaine opulence vont permettre aux nantis de cultiver l’insouciance et le plaisir. C’est le temps des Fêtes galantes, qui connurent un succès énorme dans toute l’Europe, avant de disparaître, sans doute à tout jamais.

Antoine Watteau : Pèlerinage  à l'ile de Cythère (1717) ©Musée du Louvre, RMN- GP/Angèle Dequier

Antoine Watteau : Pèlerinage à l’ile de Cythère (1717)
©Musée du Louvre, RMN- GP/Angèle Dequier

Antoine Watteau et son célèbre Pèlerinage à l’île de Cythère (venu spécialement du Louvre Paris d’où il ne sort pratiquement jamais) en constitue une pièce maîtresse. Ce tableau charnière qui permettra à l’artiste valenciennois de rentrer à l’Académie de peinture avant de devenir officiellement peintre du roi, demande une attention soutenue car il recèle un grand nombre de détails aussi significatifs que discrets. Si le thème récurrent est l’amour, sa représentation est pratiquement toujours symbolisée, masquée, cryptée. Ses jeux obéissent à certains codes bien connus des ceux qui y participent, mais souvent oubliés des générations suivantes. Des visites guidées permettent précisément de décoder la symbolique des objets, de déceler le non-dit. Il n’est pas sûr par exemple que la chanson « Nous n’irons plus au bois », dont le texte est attribué à Madame de Pompadour soit une gentille chansonnette destinée à distraire le bébé. Il y a bien des sous-entendus dans la comptine, et le public du XVIIIe siècle n’avait nul besoin de sous-titrage pour en deviner le sens grivois.

Cette période enchantée cultive le plaisir et l’insouciance avec une belle constance et une grande imagination. François Boucher célèbre la vie sentimentale des bergers et bergères, dans l’esprit de l’Astrée d’Honoré d’Urfé et vénère la vie à la campagne; mais ces bergers-là sont vêtus de soie et de velours. Fragonard pousse le raffinement jusqu’à une certaine préciosité. Le libertinage ou la désinvolture n’interdisent pas l’élégance. C’est le délicieux thème de l’Escarpolette, qui réserve quelques heureux hasards au regard du soupirant.

Tout au long de cette période bénie, les thèmes vont être traités de façon différente, sous l’influence notamment de Jean-Jacques Rousseau. Ecologistes avant l’heure, les artistes évoquent alors la sainte nature dans ce qu’elle a de pur et de simple. A côté des plaisirs de la vie, on célébrera aussi la douceur de vivre.

La Leçon de musique, porcelaine, manufacture de Chelsea, G.B. (vers 1765 © Victoria and Albert Museum

La Leçon de musique, porcelaine, manufacture de Chelsea, G.B. (vers 1765
© Victoria and Albert Museum

L’importance de ce mouvement ne s’est pas limitée à la peinture, à la musique ou au théâtre, où les exemples ne manquent pas. Les arts décoratifs subissent cette vague de galanterie paysanne et festive. Porcelaines, faïences, tapisseries, objets de décoration prennent pour décors ces fêtes galantes. L’exposition présente ainsi d’époustouflantes porcelaines, comme cette « Leçon de musique » provenant de la manufacture de Chelsea (GB), un incroyable modelage très sophistiqué.

Autre raretés proposées aux visiteurs : de somptueux costumes de théâtre, venus d’un château de Tchéquie où ils étaient miraculeusement préservés. La période est celle des « Amours déguisés », de la « Double inconstance », des « Fêtes de l’été ». Si le XVIIIe siècle français a représenté une période privilégiée pour les artistes plasticiens, ils a suscité aussi, pour le théâtre et à l’opéra,un grand nombre de pièces entrées aujourd’hui au grand répertoire.

Gérard Goutierre

Louvre Lens, 99 rue Paul Bert, 62300 Lens, jusqu’au 29 février.
Tél. 03 21 18 62 62

François Boucher : Le Nid ou Le Présent du berger (vers 1740) ©RMN-GP (musée du Louvre) Droits réservés

François Boucher : Le Nid ou Le Présent du berger (vers 1740)
©RMN-GP (musée du Louvre) Droits réservés

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