Quelque part en Scandinavie à la fin du 19e siècle. Henrik Ibsen a bâti sa Maison de Poupée il y a quelques années seulement quand August Strindberg sort du bois avec Père. Le couple, encore, le couple, toujours, jusqu’à aujourd’hui. Le couple mais pas l’amour. Une femme et un homme, oui, une mère et un père. Un enfant unique, une jeune fille qui ne peut choisir, un médecin, qui en perd sa science, un pasteur, qui n’attend plus de miracle, une vieille nourrice, qui pleure le temps passé.
Père, c’est un couple qui se déchire. Sans pitié, lentement mais sûrement. « Un homme n’a pas d’enfants, seules les femmes ont des enfants, c’est pourquoi l’avenir leur appartient » se lamente le Capitaine, ce père à la dérive. Une réplique qui en dit juste assez sur l’argument de la pièce sans le dévoiler (j’aime ça). Le sexe faible ne serait donc pas celui qu’on croit (oups). Mais tout le monde perd la raison.
Strindberg fusille cette société où la femme doit quémander un peu d’argent de poche à son mari qui règne sur la maison. Les temps changent, mais restons plongés dans cette Scandinavie, belle et douce Scandinavie croquée dans un autre art, celui de la peinture, par Carl Larsson. Sauf qu’ici avec Père les plaisirs de la vie familiale ne sont pas de mise. Ici tout est sombre, on devine le soleil toujours rasant grâce au subtil déplacement de la lumière sur la scène. Ce n’est pas encore l’hiver, cette nuit qui dure des mois. Un discret son aussi strident qu’obsédant ne veut pas s’arrêter.
Bienvenue à la Comédie Française. Arnaud Desplechin y fait sa première incursion au théâtre en tant que metteur en scène. Enfin, mise en scène, si l’on peut dire, tant tout est affaire de psychologie des personnages et d’interprétation des comédiens. Rien ne bouge dans ce grand salon-bibliothèque où seul un grand panneau coulisse rarement, sans doute pour figurer une porte. Si le texte est glaçant, les comédiens, justement, sont à la hauteur (en est-il jamais autrement Place Colette ?). De Michel Vuillermoz en capitaine désarmé à Anne Kessler en mère désarmante, Thierry Hancisse en pasteur intrigant à Alexandre Pavloff en médecin hésitant. Le texte les prive de la moindre envolée, les emprisonne, contraint leur mouvement, et c’est bien ainsi, la pièce en conserve toute sa puissance. Plus d’un siècle après la première représentation de Père, les histoires d’amour finissent encore mal. En général.
Byam
Joliment écrit. S.
Desplechin au théâtre, ce n’est quand même pas une bonne nouvelle…
Ce surfait sait surfer… il est vrai que ses amis, DP en tête, ont pris le contrôle du Français en faisant gicler Madame Holtz.
Le père Arnaud, patelin, grippeminaud, prend son temps… Il doit commencer à « travailler » ( au sens Tontons Flingueurs) les journalistes Théâtre…. Quand il aura réussi le même coup qu’au cinéma, il sera le « phénix des hôtes de ce bois »…. Plus un mot de travers contre le génie ne sera alors permis…
Au cinéma, il a buté contre l’obstacle de la langue : à Cannes, les journalistes étrangers n’ont jamais compris pourquoi la presse française délirait sur l’impétrant et rêvait toujours qu’il soit palmedoré…
Pour leur expliquer qui il était, je leur disais : « C’est le BHL du cinéma »…
Tellement génial que le film d’après chasse le film d’avant dont on n’a jamais aucun souvenir…
Je suis assez d’accord avec ce que vous inspire le personnage. PHB