Si c’est juste pour « se changer les idées » comme le chuchotait quelqu’un dans la salle, on peut effectivement aller faire un petit tour sur Mars. Cela vaut le Bois de Boulogne et Matt Damon se sentira moins seul. Ridley Scott, l’homme de « Alien » ou de « Blade Runner », ternit ici sa réputation. Son « Seul sur Mars », « The Martian » pour le titre original, ne casse pas des briques tout en se laissant voir.
L’on constate vite que notre réservoir d’indulgence se vide à l’unisson des réserves d’oxygène du héros. Comme lui, il faut refaire le plein à intervalles réguliers et colmater les fuites au ruban adhésif. Au générique de fin, on ne déplore pas de se retrouver à l’air libre.
Nous sommes là face à un film typiquement américain et donc très efficace dans la mesure où il utilise des facilités d’intrigues ultra-rodées.
Soit une équipe sur Mars obligée de repartir en catastrophe à cause d’une tempête et de laisser sur le sol martien leur partenaire botaniste un peu vite déclaré mort. A près de deux cent cinquante millions de kilomètres de la Terre, l’homme seul est obligé de se débrouiller, de se soigner, de faire pousser des pommes de terre avec les poches de caca laissées par ses coéquipiers et de réparer un vieux module de la Nasa dans la poussière du sol pour le transformer en poste de communication. Mais l’heure tourne, à qui le dites vous, puisqu’il faut compter des mois en l’attente d’hypothétiques secours.
Cela pourrait être très long effectivement, surtout pour le spectateur, mais toutes les ficelles du cinéma hollywoodien en général et des films spatiaux en particulier (Independance Day, Gravity, Interstellar etc…) émaillent l’affaire pour nous faire sourire ou nous procurer de l’émotion. L’inflexible directeur de la Nasa, la jolie commandant de bord, le geek génial qui trouve la combine salvatrice avec des supers calculs de trajectoires, le directeur de l’agence spatiale chinoise qui se solidarise en prêtant son concours matériel: une flopée de personnages s’évertue à faire tenir debout cette aventure de la teneur d’un très bon métrage… télé. La densité sur Mars est faible, le film en pâtit par contamination.
Sauvera-t-on Mark Watney ? Le suspense est, à vrai dire, tout à fait gérable. D’autant que notre homme récupère très vite la faculté de consulter ses mails. Autant dire qu’il est déjà virtuellement de retour et que seul, au fond, c’est bien mieux à plusieurs. Sans compter que les télés terrestres peuvent suivre l’opération de sauvetage en direct. L’émotion est présentée comme universelle, tout le monde se tient la main, les chinois mouillent une larme en même temps que les américains, de tout cela dénote un souhait viscéral de réconciliation mondiale qui fait écho à une actualité planétaire bien moins consensuelle. Ce film est tout sauf subversif.
Hollywood sait y faire, Ridley Scott s’exécute et au final on y gagne quand même une balade assez réussie sur le sol martien en mode Luna Park. Seul sur Mars ? Mais non, justement, pas moyen d’échapper à l’attraction terrestre. Jusque sur cette planète éloignée, pas moyen d’avoir la paix. La souhaiter relèverait d’ailleurs d’un esprit contestataire tout à fait immoral.
PHB
Dites-moi, Philippe, quand on arrive sur Mars est-ce qu’on amarsi ?
En général, je vois un Ridley Scott sur deux. C’est largement suffisant et pas de chance pour « Seul sur Mars », c’est la fois où je m’abstiens…
J’en reste à ce que je suis le seul sur Mars à considérer comme un chef-d’oeuvre – puisque le film a été hélas presque unanimement éreinté -, je veux parler de « Mission to Mars » de Brian de Palma
J’en pleure encore en repensant au sacrifice de Tim Robbins et à sa fin dans le vide interstellaire… Il faut dire qu’enfant, j’ai été traumatisé par la mort de Wolf, dans « On a marché sur la lune »…