Korea Now ! ou le mix de l’Orient et de l’Occident

LEE Ga-jin _waterdrop 1La Corée maintenant, -si l’on se réfère textuellement  au  titre de l’expo –  c’est la Corée qui, après être restée pendant des siècles sous le joug chinois, colonisée de façon violente  par les japonais qui tentèrent d’en éradiquer la langue et la culture (1910-1945), épuisée par une guerre fratricide de 1950 à 1953, est sortie récemment, en 1987, de la coupe d’un dictateur soi disant éclairé.

La toute jeune Corée qui émerge de cette histoire récente compliquée, n’en est que plus forte  du patrimoine des anciens, source de richesse  et de singularité qui lui permet de regarder les enseignements de l’occident autrement.

Ce pays devenu en à peine 30 ans celui de la révolution numérique, nous fait maintenant la démonstration de sa capacité d’adaptation aux exigences de la mondialisation en matière d’arts appliqués. Les nouvelles générations entretiennent des rapports étroits avec leur culture d’origine dont l’héritage est précisément ce qui va leur permettre d’assimiler  la modernité.

Amusons nous à ce petit jeu des anciens et des modernes auquel nous convie le musée des Arts décoratifs de Paris. A moins que ce jeu ne soit aussi  celui de l’Orient et de l’Occident.

Première démonstration en matière de Création de meubles et objets.

Rappelons que « Art » et pratiques artisanales ne connaissent pas en Corée et en Orient de façon générale, les mêmes oppositions sémantiques ou didactiques que dans le monde Occidental.

L’exercice est parfaitement maîtrisé  par le travail des jeunes créateurs à partir des techniques ancestrales de la laque « Ott-chi » ou encore de la nacre « Najeon », ou  du  papier « Hanj », un papier  dont le tissage traditionnel lui donne une grande résistance.

En matière de céramique  où la tradition  coréenne est vieille de plusieurs siècles, quel bonheur de découvrir  les formes réinventées du céladon développé sous la dynastie « Koryo » (918-1392),  la porcelaine blanche revisitée, ou encore le « buncheong » modernisé.

YUN Sang-hee/An  Attack by Green Horns (model cut)

YUN Sang-hee/An Attack by Green Horns (model cut)

La scène de la Mode coréenne est jeune. Elle a émergé à partir des années 1980. Plus récemment la vitalité de l’école de Séoul manie avec une égale maîtrise  les références  à la mode occidentale et à celles du costume traditionnel local  le « Hanbok » -qui n’est plus porté qu’au cours des cérémonies familiales.
La scénographie originale de SUH Young-hee est bâtie à partir des  5 couleurs cardinales du « Obangsaek »  qui sont chargées d’une symbolique complexe qui prévaut dans la tradition esthétique coréenne: Le Rouge -la passion, le sud, le feu, l’été. C’est aussi la couleur des chamanes, Le Jaune- la richesse, la terre- , Le Noir -la sagesse, le Nord, l’eau, l’hiver-, Le Bleu -l’intégrité, l’Est, l’arbre, le printemps- et Le Blanc – ou la droite, le métal, le détachement, l’automne.

5 couleurs primaires qui ont pour nous comme un petit air de Mondrian.

L’histoire du graphisme coréen est relativement récente: elle a émergé grâce à des moments marquants de l’histoire du pays comme la proclamation d’indépendance de 1945 ou les jeux Olympiques de Séoul de 1988. L’exposition évoque l’engouement des graphistes  pour la typographie  et plus particulièrement le « Hangui » inventé au XVème siècle. Cet alphabet a une histoire particulière : initialement créé comme alternative au chinois dominant et réservé aux lettrés de l’époque, son emploi se généralise à la fin de la seconde guerre mondiale, les 27 lettres (24 aujourd’hui) de l’alphabet remplacent les 40 000 idéogrammes chinois.

Il s’appuie sur certains principes théoriques de la pensée néo confucianiste autour des thématiques du « yin » et du « yang » ou encore des éléments que sont la terre, le soleil et l’homme. Il est devenu maintenant une véritable référence culturelle et identitaire : souvent transmis par les femmes à sa création, il est aujourd’hui la langue maternelle et  il inspire les graphistes dans leur travail des caractères et des typographies innovantes. Ainsi le graphiste Ahn Sang-soo  a su le premier le moderniser en concevant plusieurs polices de caractères. Il travaille sur l’esthétique des lettres, les géométries en les faisant sortir du système du carré chinois formel dans lesquelles elles étaient enfermées.

SONG Seung-yong/Objet-O-1

SONG Seung-yong/Objet-O-1

La modernité de tous ces artisans d’art et jeunes créateurs coréens qui ont  trouvé dans le musée des Arts Décoratifs de Paris un magnifique écrin,  vient ici nous interpeller et nous rappeler des valeurs que l’occident a peu à peu abandonné comme l’idée que l’homme doit vivre en harmonie avec la nature, qu’il faut cultiver l’authenticité et l’originalité de ses origines et que tout acte créatif est aussi une façon d’affirmer sa philosophie de la vie et une recherche d’harmonie.

Marie-Pierre Sensey

Korea Now ! Craft, design, mode et graphisme en Corée.
Exposition organisée dans le cadre de l’année France-Corée du 19 sept 2015 au 3 janvier 2016.
Musée des Arts Décoratifs de Paris.

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