Un homme, deux femmes. Ensemble pour l’éternité. C’est au travers d’une très belle mise en scène d’Isabelle Erhart que l’on plonge à nouveau au cœur de cette triade liée à jamais par la vigueur des affects qui font le lit des relations humaines. Dans son Huis Clos – intitulé Les Autres dans son projet initial – J. P Sartre use superbement de la métaphore dans le but de dénuder l’aliénation à autrui sous l’angle de la vérité et de la rencontre de trois singularités. En tentant de toucher le plus intime, le plus inénarrable en chacun de ses personnages, il saisit son auditoire en se faisant le reflet de la nature humaine. Et c’est ce que transmet très justement le jeu des acteurs qui nous capte du début à …
Dans cette sorte de « Loft » avant-gardiste – dont la comparaison s’arrêtera à l’idée de placer des individus dans une même pièce sous le regard d’un autre – le message est clair : « l’enfer, c’est les autres ». Mais seulement au sens où la dépendance au jugement d’un semblable comporte son envers opprimant, indéfectible. Le juste équilibre dans la tonalité des émotions nous a donc semblé un pari délicat sur le plan de l’interprétation. Pari réussi car honte, raillerie, révolte et désolation y sont de bon ton. Si le propos tend à représenter l’inertie du carcan dans lequel on s’installe très vite dans l’existence, c’est un montage très vivant qui nous est donné à voir.
On se souvient d’Inès, Garcin et Estelle devenant tour à tour le bourreau des deux autres en reprenant finalement le rôle qu’ils avaient emprunté dans la vie, celle des vivants – pas si vivants en définitive. Tour à tour également, on devient spectateur de la fixité de la position des personnages sans qu’une quelconque remise en question soit de rigueur. La mise en abyme théâtrale propose d’aborder la question du regard de manière saisissable lorsque l’on comprend que notre propre reflet ne peut être perçu que dans une médiation. Pas moyen d’y échapper donc ; d’autant plus lorsque le miroir vient à manquer. Le burlesque pourrait presque y trouver sa place si l’inéluctable contrainte d’avoir à composer à deux ou à plusieurs pour jouer la partie qui nous est allouée ne venait à se faire jour.
Partant de l’idée que l’« on meurt toujours trop tôt ou trop tard » en évitant tout acte portant à conséquences, l’invite à partager ce moment ne peut se faire que plus forte. Car cette pièce, par son texte ou par son jeu, a donc le mérite d’oser bousculer nos certitudes, et l’on a envie de croire que le choix du théâtre n’a pas été laissé au hasard. Qui est amateur du Théâtre du Nord-Ouest saura que la configuration s’y prête terriblement.
Aussi, ne vous arrêtez pas aux dates erronées que l’on peut trouver sur la toile. La troupe n’a pas dit son dernier mot et nous offrira le plaisir d’être sur scène jusqu’à fin décembre. Il n’est donc jamais trop tard, décidément !
Célia Breton