La révolution iranienne a mis à un terme à la production de vin dans la région de Shiraz et l’on comprend mieux pourquoi ces deux-là dégustent une dernière bouteille de Khollar millésimée 1989. Pour le reste, comme l’explique Sara, le personnage interprété par Mina Kavani dans Red Rose sur les écrans le 9 septembre, pour le reste disions-nous, on peut toujours acheter de l’alcool de blé à la pharmacie en prétendant que c’est pour soigner les pieds de sa grand-mère.
Le film de Sepideh Farsi sera sûrement l’un des meilleurs films de la rentrée. Tendu, charnel, il force la sympathie et l’empathie. La réalisatrice a réuni deux personnages dans un long huis clos dramatique qui n’exclut ni l’amour ni l’humour. Le point de départ de ce long métrage tourné hors d’Iran pour des raisons de sécurité, est la révolte populaire consécutive aux élections présidentielles truquées de 2009. Hossein Moussavi s’était même vu communiquer sa victoire par le ministère de l’intérieur, mais c’est finalement Mahmoud Ahmadinejad, via un mystère de l’intérieur qui sera élu.
Le film commence avec le fascinant montage des vidéos prises au téléphone portable sur les émeutes urbaines. La mauvaise définition des images nous livre une vision tantôt au pastel tantôt pointilliste de la répression extrêmement violente menée par les milices Bassidjis. Un groupe de jeunes garçons et filles trouvent à s’abriter dans l’appartement bourgeois de Ali (interprété par Vassilis Koukalani). Une fois le danger passé, l’une des filles, Sara, oublie son téléphone mobile dans l’appartement. Quand elle vient le récupérer, le huis-clos peut commencer.
Sara a vingt cinq ans et ses yeux sont un rêve d’ophtalmologiste. Lui en a cinquante et oppose une certaine réserve face à la gaie éloquence de Sara qui se dévoile au propre comme au figuré. Une passion que l’on devine très provisoire se noue, alors que la tension extérieure ceinture leur îlot de paix. Il n’y pas d’échanges déclaratoires entre les deux, Sara se bornant à expliquer à Ali qu’elle n’a besoin « que d’un homme et d’un lit ».
La réalisatrice Sepideh Farsi dit qu’elle s’est « appuyée dans la mise en scène sur une énergie qui naît de la confrontation, pour faire ressortir quelque chose de plus subtil et qui dépasse largement l’Iran ». Mais son tour de force est d’avoir fait de nous spectateurs, des gens à la fois conquis par cette rencontre chargée de sensualité et anxieux de l’extérieur comme si les Bassidjis cernaient la salle de projection.
L’action se déroule en 2009 mais il n’empêche, nous précise-t-on, que Hossein Moussavi le rival écarté par Mahmoud Ahmadinejad, est toujours en résidence surveillée avec sa famille et que son état de santé est « préoccupant ».
Le film s’achève par un ultime huis-clos, dans un autre lieu, pour un interrogatoire tragique dont on ignore le dénouement. Et nous ne pouvons, dans la foulée, que nous interroger nous-mêmes, sur la vie que nous mènerions dans un pays où tout doit être dissimulé, y compris quelque chose d’aussi simple qu’une rencontre entre un homme et une femme. Le charme de l’interdit c’est bon pour les pays libres.
(En salles le 9 septembre)
PHB
ah ! Philippe !
J’étais en train de répondre à l’AP du film pour lui dire que j’avais trouvé insupportable ce film manichéen d’expatriée qui me rappelle les pires Costa-Gavras… Sans subtilité, très premier degré sur cette « révolution verte » bien douteuse… Que Moussavi ait survécu à ces événements interroge… S’il avait été un réel danger, je ne crois pas qu’il pourrait être dans « un état préoccupant » cinq ans après car il aurait été dans un état définitif depuis longtemps. Je crains même que ce mouvement ait été clairement instrumenté..
J’ai vu une « tripotée » de films iraniens bien plus subtils, comme justement « Iranien » ou même « Taxi Téhéran » ou « Les Noces éphémères »…
Je me souviens aussi d’un film intitulé « Le printemps de Téhéran » qui était un bout à bout d’images prises au portable et qui sont inlassablement et platement recyclées dans le film de Sepideh Farsi.
Celui-ci est fait pour nous, j’allais dire par nous. Arme idéologique contre un « ennemi » que certains aimeraient réduire en bouillie parce que c’est un grand pays composé d’habitants et d’intellectuels bien plus malins que les personnages de « Red Rose »…
Mais bon, les années 2010 signent le grand retour des films de propagande occidentaux… « Argo », « Mustang », « Red Rose »….
Heureusement, on pourra bientôt voir « The Look of silence » un documentaire de Joshua Oppenheimer sur le massacre d’un million de paysans « communistes » en Indonésie en 1965. Suite de son premier film sur le sujet « The Act of Killing »…
C’est un film pour l’Histoire qui laisse aux bourreaux le soin de raconter leurs crimes sans avoir besoin de conditionner et de manipuler le spectateur par la thèse qu’il attend…
C’est fort, c’est vrai, et ce n’est pas fabriqué par Arte et le CNC comme Red Rose…
Encore désolé de mettre un bémol à votre enthousiasme… et tant pis si tous vos thuriféraires vont, comme à l’accoutumée, me tomber sur le rable !
Je revendique le droit à l’esprit critique !
Votre critique est la bienvenue Philippe Person. PHB
Boum badaboum, on m’a appelé ?
Ah ! c’est Philippe Person …
Erudit pour ne rien changer
Bravo pour l’épilogue en victimisation, c’est imparable
Bonne rentrée à tous les Calimeros
PS : merci pour ce débat sur un film iranien … ah, saines Soirées de Paris en ce triste épisode de rentrée …