C’est un très joli parc comme il en existe plein alentour mais celui-là est tellement discret que fort peu de monde en profite. Il y a un étang à l’état sauvage, un bois et puis, brusquement, sur la droite, une pelouse impeccable qui vient s’échouer aux pieds d’un arc de triomphe en cours de restauration. Il s’agit du mémorial de l’escadrille La Fayette, à Marnes la Coquette, dressé là pour abriter 68 sarcophages, dont 49 sont pleins des dépouilles des aviateurs volontaires venus donner un coup de main, en 1916, à leurs camarades français. Les Etats-Unis n’entreront en guerre qu’un an plus tard.
On est saisi tout d’abord par le charme bucolique de l’endroit. Bien sûr il y a l’autoroute de l’ouest toute proche mais son bruit sourd pourrait presque passer pour le grondement d’un fleuve et de sa chute. Des panneaux indiquent en outre que le lieu est géré de façon écologique mais sans les tambours ni les trompettes dont s’infatuent les parcs parisiens. Ici par exemple, on fait appel à des percherons américains pour toutes sortes de travaux, comme tirer les arbres morts. Ce qui signifie au passage que les équidés ont des origines françaises.
Quant au mémorial il a été érigé en 1938 avec des dons. C’est grâce semble-t-il à une allocation du gouvernement américain qu’une restauration de longue haleine est en cours. On trouve ici la même ambiance que dans les grands cimetières militaires avec leurs milliers de tombes alignées sauf que cette fameuse escadrille, sous commandement français était composée de volontaires américains (180) et quelques pilotes français. A noter que selon Wikipédia, cette escadrille comptait un pilote de chasse noir qui sera refusé par l’armée américaine lorsque celle-ci entrera formellement en guerre.
Un panneau de l’armée de l’air française à l’entrée invite le « passant » à méditer et à se recueillir sur l’exemple donné par ces aviateurs. L’histoire s’oublie vite et c’est tout le mérite de ce genre d’endroit que de cultiver la mémoire, en l’occurrence parcellaire, d’un événement aussi gigantesque que la première guerre mondiale. C’est d’ailleurs en raison d’un fort état de délabrement constaté en 2001 que le gouvernement américain a fini par mettre la main à la poche afin de payer le gros ravalement en cours. Un « memorial day » s’y déroule chaque année au mois de mai. Pour bien faire un escadron de chasse de Mirage 2000N perpétue cette trace héroïque (en survolant le lieu chaque année lors du mémorial), de même que le 94e escadron de chasse aux Etats-Unis. Et nous hommes ordinaires, saluons bien bas au passage le « La Fayette Flying Corps » depuis nos deux jambes.
PHB
« Mais nos pieds ne se détachent qu’en vain du sol qui contient les morts ». (Guillaume Apollinaire)
Cher Philippe,
je n’ai pas compris où était ce parc…
Pour parler de l’Escadrille Lafayette, je vous conseille de voir le très beau film de William Wellman (un cinéaste aviateur tout comme Howard Hawks ou Jean Renoir). Un des derniers films de ce cinéaste sous-estimé qui est pour moi un des grands maîtres du cinéma américain… On peut y voir la belle Etchika Choureau, dont ce sera le dernier grand rôle puisque sa carrière sera interrompue par sa rencontre amoureuse avec le futur roi du Maroc, Hassan…
L’actrice française aura eu l’occasion de côtoyer sur le tournage un certain Clint Eastwood, presque encore ado… et Marcel Dalio, qui était déjà aviateur dans La Grande Illusion !
Il y a eu un autre film sur l’Escadrille, « Flyboys » (2006) que je n’ai malheureusement pas vu…
Question pilote noir américain, savez-vous que s’il n’y en avait pas dans l’Escadrille Lafayette… il y en avait un dans l’armée française ! Noir et américain !
Il se nommait Eugène Bullard. Venu en France pour fuir le racisme en Nouvelle-Orléans avant la guerre il sera d’abord boxeur avant de s’engager dans la Légion étrangère en 1914 (où il deviendra l’ami intime de Kisling et de Cendrars !). Grièvement blessé, il se rétablit et décide de devenir – envers et contre tout – aviateur. Il y parviendra, prendra la nationalité française et repartira combattre dans l’aviation. Il fréquentera Nungesser et aura des victoires homologuées…
Son destin étonnant ne s’arrête pas là… Il sera, grâce à Colin Powell, réintégré à titre posthume dans l’armée américaine en tant qu’officier !
Vous pouvez lire tout ça dans un bouquin de Claude Ribbes (« Eugène Bullard », Le Cherche Midi,2012). Je le tiens à votre disposition si vous ne le trouviez pas…
Merci pour toutes ces précisions et pardon de ne pas avoir mentionné, mais c’est fait maintenant, que le mémorial se situe à Marnes la Coquette, sur le trottoir de gauche quand on quitte la gare de Garches et que l’on remonte à l’ouest, vers Marnes la Coquette. PHB
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