Lorsque la chanteuse Amy Winehouse accède à la notoriété elle confie à une amie « mais comment vais-je vais faire dans cet espace-là » ? Quand arrive la fin d’un itinéraire destructeur, alors qu’elle n’a que 27 ans et qu’elle comble les salles, elle admet qu’elle donnerait volontiers tout ce qu’elle a pour pouvoir se promener dans la rue comme quelqu’un d’ordinaire. C’est peu après que se termine logiquement le documentaire actuellement en salle et réalisé par Asif Kapadia.
Ce film s’intéresse plus à la vie de la star qu’à sa voix ce qui est un peu frustrant d’autant que sur les deux heures de projection il y aurait eu de la place pour caler davantage l’extraordinaire inspiration vocale dont elle était assurément douée. On la voit et surtout on l’entend, interpréter son fameux morceau « Back to Black » qu’elle a composé en seulement trois heures.
Etant née en 1983 à une époque où il était déjà facile de filmer en vidéo, le documentariste n’a eu semble-t-il pas beaucoup de mal à se procurer des scènes remontant à la jeunesse de l’artiste. Leur faible définition fait que les images qui nous sont livrées sont fortement pixelisées et le flou qui en découle confère à ces passages une dimension impressionniste qui vient conforter notre empathie.
Dès son adolescence, la forte personnalité d’Amy Winehouse ressort. Elle apparaît comme extravertie, provocante et dotée d’un indéniable aplomb ce qui est une façon comme une autre de transgresser la timidité. Devenue chanteuse, elle devient comme un foyer de vie autour duquel beaucoup de monde se presse. Le succès lui plaît autant qu’il l’embarrasse.
Comment fait-on pour mourir célèbre à vingt sept ans tels Janis Joplin, Jim Morrison, Brian Jones ou encore Kurt Cobain, lorsque l’on semble née sous une bonne étoile ? Le cocktail toxique, bien connu, se compose de drogues, d’alcools et de relations amoureuses cabossées sur fond de sensibilité que ne protège aucun blindage. Amy Winehouse a rejoint en brancard le club fermé des grands brûlés, après un brillant et tout à la fois sinistre trajet.
Le documentaire montre quelques images de ce pathétique concert prévu à Belgrade où son état ne lui permet pas de chanter. Là voilà qui titube cherchant vainement de l’aide auprès de ses musiciens. Amy Winehouse est alors en perdition, coulant jour après jour devant son public et les médias. Il y a une fascination morbide à regarder quelqu’un mourir. Parce que c’est un spectacle, une mise en scène plus ou moins improvisée, l’impression n’en est que plus glaçante.
Tangible, sans faiblesse, l’émotion qui se dégage de ce documentaire assez efficace dans son montage, nous poursuit jusqu’après dans la rue. L’impression d’une mise à mort complétée d’une non assistance à personne en danger persiste, comme dans ces vidéos d’exécution qui courent de nos jours sur Internet. Amy Winehouse nous indique à plusieurs reprises qu’elle aurait bien voulu vivre, qu’elle n’était pas suicidaire même s’il lui arrivait de broyer du noir, une couleur qu’incidemment elle changeait en or dès qu’elle ouvrait la bouche.
PHB