La liberté de la presse toujours à reculons

Photo: PHB/LSDPFrançoise Hardy, dans sa si sensuelle mini-robe en lames d’or serties de diamants et signée Paco Rabanne, détone quelque peu sur la couverture de la dernière édition « été 2015 » de Reporters sans Frontières (RSF), puisque l’objectif reste la défense de la liberté de la presse dans le monde. C’est au photographe Jean-Marie Périer qu’a échu la mission de faire en sorte, par son exceptionnel travail, que le magazine qui vient de faire son entrée en kiosques, soit le plus largement diffusé.

Dans un texte honnête, Jean-Marie Périer, reconnaît que sa destinée professionnelle aux côtés des stars, ne lui a pas fait prendre beaucoup de risques, au contraire de nombre de journalistes et singulièrement les photo-reporters.

Comme le souligne dans un éditorial le président de RSF, la liberté de la presse n’est pas que la prison dans laquelle sont trop souvent jetés les journalistes quand ils ne sont pas exécutés purement et simplement. Pour Christophe Deloire, il devient également « de plus en plus difficile de distinguer la communication, sponsorisée ou dictée par des intérêts, de l’information indépendante (…) ».

C’est tout à fait exact. De nos jours, en France notamment, le pouvoir détenu et exercé par les communicants est d’une incroyable intensité. La manipulation de l’information aux travers de différents leurres, tels les suppléments bidons qui se coulent sans pratiquement plus de différence dans la maquette des journaux, témoigne de cette volonté de compenser l’information honnête, par du propos truqué. La faiblesse économique de la presse a ainsi déséquilibré le rapport de force qui prévalait entre les journalistes et les communicants. Les interviews réalisés de nos jours dans la presse écrite, tellement relus et amendés par le ou les conseillers de l’interviewé, sont devenus largement suspects.

D’autre part et toujours en France, on a pu assister ces derniers mois à une redistribution des cartes massive dans les médias au terme de laquelle, beaucoup de journaux ont changé de mains. Quand on veut peser il est plus aisé de mettre la main d’un coup ce que les manipulateurs, dans leur grande variété, dénomment les « relais d’opinion ». Dans cet ordre d’idées le rachat pour pas bien cher du quotidien Le Parisien par le groupe LVMH, à moins de deux ans de la présidentielle, est hautement significatif.

Est venue s’ajouter dans l’hexagone, une loi sur le renseignement qui autorise les écoutes, adossée à un contrôle a posteriori, qui ne va pas dans le bon sens. Les journalistes ne travaillent pas avec des téléphones cryptés pour protéger leurs sources. Au moins est-on prévenu.

Dans le classement 2015 établi par RSF, la France ne figure qu’à la 38e place des bons élèves alors qu’un pays comme la Jamaïque grimpe à la neuvième place notamment pour avoir aboli une loi sur la diffamation, faute autrefois passible de prison.

Photo: PHB/LSDP

Photo: PHB/LSDP

Globalement, insiste l’association, la liberté de la presse est en régression dans le monde et certains pays inattendus comme l’Italie ou l’Islande chutent de plusieurs places par rapport au classement précédent. En France, la situation est qualifiée de « plutôt bonne » malgré les coups de canifs ici et là. Le danger on l’a dit, vient davantage du monde sur-financé de la communication par rapport à une presse que la mutation numérique a affaiblie.

En tant que vigie, l’association Reporters sans frontières mérite d’être défendue. On peut en outre le faire agréablement avec cette rétrospective photographique réussie qui nous montre les aspects le plus souvent insouciants d’une époque dont on ne veut conserver par réflexe que les bons souvenirs.

PHB

100 photos de Jean-Marie Périer pour la liberté de la presse. Edition « été 2015 » de Reporters sans frontières. 9,90 euros. En kiosques.

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2 réponses à La liberté de la presse toujours à reculons

  1. Bruno Sillard dit :

    Qu’a voulu nous faire croire « Reporters sans frontière »? Comme il est dit, passer par une arrière cour et détourner son discours pour faire passer un message qui pourtant n’a rien à voir avec le grand reportage, ou qu’au vu des ventes des précédentes publications , les photos de guerre ou de catastrophes ne se vendent plus. Il est vrai que le créneau du sang et des larmes est largement occupé par les mille et une chaînes de télévision thématiques. Choisissez mesdames et messieurs à votre bon cœur, ici un petit vieux qui s’effondre en larme au pied d’un distributeur de banque ou là Françoise Hardy habillé en Rabane. Ce dernier a su prédire la fin du monde, lui au moins. Le petit vieux n’a pu que la subir alors hein…

  2. Flourez BM dit :

    Entre communicants et journalistes, des photos qui se vendent et d’autres qui ne se vendent plus, la liberté de la presse est aussi celle du lecteur. Ne reste-t-il que l’offre et la demande, mondialisées elles aussi ? L’enjeu est ainsi la conscience du lecteur, mais avons-nous encore conscience de cet enjeu ?

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