Comme il sied à « Madame » Jeanne Lanvin

Scintillante-(dessin).1939.©Patrimoine-LanvinOn peut lui préférer ses modèles des années trente pour la bonne raison qu’ils témoignent d’une maîtrise et d’une élégance achevées. Les couleurs un peu passées des robes signées Jeanne Lanvin, encore exposées jusqu’au 23 août au Palais Galliera, n’estompent en rien, ce que l’on pourrait décrire comme un festival de raffinement.

Ce n’est pas plus mal d’abord, de se laisser porter avec ignorance au milieu de toutes ces tenues réparties en une scénographie un brin étourdissante. Elles viennent flatter et même réveiller les espaces négligés de notre conscience que l’ordinaire des choses extérieures chagrine. Il est curieux d’observer tous ces visiteurs, l’auteur de ces lignes inclus, fagotés dans l’abdication vestimentaire, en regard de ces œuvres si joliment cousues à la main.

Par quel bout prendre cette exposition ? Par exemple par les bleus comme nous y invite le beau (et copieux) catalogue qui lui est dédié.

Jeanne Lanvin était comme Saint-Jean elle avait le baptême facile et ses modèles déclinés en bleu avaient pour nom «Ciel bleu », « Céleste », « Lazuli », « Indigo », « Train bleu »…  Celle que l’on appelait aussi « Madame » n’a donc pas boudé ses préférences chromatiques en démultipliant à l’envi son bleu fétiche, allant jusqu’à puiser dans la palette de Fra Angelico avec son modèle « L’ange » ou encore pour les plis de sa « diva », cette longue robe du soir à l’architecture relativement simple mais garnie de manches abondamment pailletées.

Sa robe « Fausta»  s’arrête au-dessus du genou. Réalisée entre 1928 et 1929 elle est d’expression moderne, émancipée, mais porte néanmoins une croix sombre sur presque toute sa verticalité traduisant ainsi le penchant de la couturière pour les sujets liturgiques. Curieux mélange dont le catalogue nous indique qu’il incarne à lui seul  le « génie de Jeanne Lanvin ». Ses autres sources d’inspiration sont multiples, parfois ethniques ou puisées dans le terreau fertile de la peinture moderne comme sur ses sweaters « Butterly » ou « Eclair ».

Scintillante 1939 ©Katerina Jebb

Scintillante 1939 Collection Palais Galliera ©Katerina Jebb-2014

La production de « Madame », s’est aussi inscrite dans différents courants tous aussi intéressants les uns que les autres comme le médiéval avec des ébauches de cuirasses ou de cottes de mailles. Photographiés de la sorte ses modèles révèlent toute la pertinence de cette inspiration précise en ce qu’elle confère aux robes et à celles qui les portent une classe qui s’impose immédiatement. Par chance, Jeanne Lanvin (1867-1946) n’a pas connu la tenue de jogging orange à bandes latérales noires, elle y aurait laissé sa santé mentale.

Cette plongée dans les années dix, vingt, trente nous donne envie séance tenante de jeter nos jeans aux orties et de courir chez le faiseur, le parfumeur ou le bottier tout en parcourant la « Gazette du bon ton », en attendant que nos mesures soient prises ou nos emplettes effectuées, et juste avant de recruter une camériste espagnole.

Il est toujours temps d’en profiter puisque cette exposition court jusqu’au 23 août. Elle laissera sa place à l’automne à la collection de la comtesse Greffulhe à l’origine de la duchesse de Guermantes dans « A la recherche du temps perdu » (Proust). Ce personnage nous dit-on, symbolisa l’élégance jusqu’en 1952. Ses tenues Worth, Fortuny, Babani…  et Lanvin  comme il se doit, seront là pour l’attester. Beau sens de l’enchaînement de la part des animateurs du Palais Galliera.

PHB

En toute sensualité, cette photo de Jeanne Lanvin et de l'un des modèles, prise par Laure Albin Guillot

En toute sensualité, cette photo de Jeanne Lanvin et de l’un des modèles, prise par Laure Albin Guillot (Source: Palais Galliera/Roger Viollet)

 

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