Parti des caves, de la rue et géographiquement du South Bronx (New York) en 1973, la culture hip-hop atterrit à l’Institut du monde arabe (Ima) jusqu’en juillet 2015 et c’est à se demander si cette consécration inédite n’est pas un peu funéraire pour un genre a priori toujours vivant. Dans un éditorial le président de l’Ima, Jack Lang, désigne ainsi ce mouvement par le mot « culture » alors qu’il y a encore peu, c’est le mot composite contre-culture, qui aurait prévalu.
Transdisciplinaire, le hip-hop s’exprime à la fois par la musique, les textes, l’expression graphique (graffiti), la danse et certains styles vestimentaires. Pour ceux qui ne sont pas issus de ce monde particulier, cette exposition fait office de bain initiatique.
Dès l’orée de la scénographie, un mur d’appareils à cassettes stéréophoniques donne le ton. Ils sont bariolés, maculés, admirablement tagués et ce faisant, ils synthétisent l’image, le son de la rue soit un son scandé, le « rap », évoquant une forme de rébellion allant parfois jusqu’à des textes ultra-violents marqués d’ailleurs du sceau « explicit » quand on les télécharge sur Internet.
L’onction muséale apportée par l’Ima assagit par voie de conséquence un genre dont on pouvait douter qu’un jour il fasse l’objet d’une sorte de reconnaissance officielle. Du reste, le directeur artistique de cette affaire n’est autre qu’Akhenaton, célèbre rappeur, qui évoque un mouvement, le hip-hop donc, « qui révolutionne la façon de faire de la musique, de s’exprimer, de s’habiller, de bouger, la révolution va jusqu’aux arts plastiques, ce sont de nouveaux esthétismes qui aujourd’hui mènent le monde ». Un monde qui va du « Bronx aux rues arabes » soit l’intention qui justifie sa présence à l’Ima sur deux niveaux.
Honnêtement la disposition scénique générale fonctionne. L’ambiance sonore fait que l’on bouge et la tête au fur et à mesure que l’on pénètre ce monde particulier notamment fait de platines pour vinyles que l’on freine avec les doigts afin d’obtenir une syncope particulière. Une salle spéciale avec tout un matériel est là pour offrir au bourgeois de passage une expérience sensorielle inédite.
Si l’aspect vestimentaire n’est pas oublié (sneakers, Kway…), on s’intéressera davantage à l’expression graphique qui depuis quarante ans fait des trains de banlieue ou des murs de la rue un support de prédilection pour les acteurs du genre. Quelques photos rappellent que l’inestimable Basquiat a laissé sur les murs de New York des traces annonciatrices de sa future production que l’on retrouve aujourd’hui sur les plus hautes cimes du marché de l’art.
Mais au fond ce qui symbolise le mieux cet univers particulier, s’il est permis de faire un choix subjectif, ce sont ces appareils à cassettes revisités que l’on pouvait transporter comme une valise, y compris sur l’épaule, pour diffuser un son totalement attaché à la rue comme le montrent bien les photos de cet événement inédit. C’est quand même autre chose que des clés USB farcies aux fichiers MP3.
LLA
Jusqu’au 26 juillet. Institut du monde arabe, 1 rue des Fossés saint-Bernard. 75005 Paris.