Pièce maîtresse de l’exposition ouverte actuellement au musée du Louvre-Lens (1,5 million de visiteurs depuis son ouverture il y a deux ans), un groupe de quatre babouins dressés sur leurs pattes arrières semble saluer le visiteur à la sortie de son parcours dans le monde à la fois familier et mystérieux des animaux de l’Egypte ancienne. Cette sculpture devait être installée, en 1836, au pied de l’obélisque de la place de la Concorde (rappelons qu’il s’agit d’un don fait à la France en 1830 par le vice-roi d’Egypte Méhémet Ali en témoignage des bonnes relations entre les deux nations).
A l’époque, la position des singes, ne cachant rien de leur puissance sexuelle, avait été jugée obscène. Le bas-relief fut donc soustrait au regard des passants et relégué dans les sous-sols du Louvre, forme moderne du royaume des ombres. Près de deux siècles plus tard, cette pierre sculptée de six tonnes a fait le voyage, avec les difficultés que l’on imagine, de Paris à Lens, en même temps que plus de 400 autres pièces, dont un certain nombre sorties exceptionnellement des réserves, pour cette exposition qui à notre connaissance constitue une première : “Des animaux et des pharaons“ .
Ecologiste bien avant que n’apparaisse le concept, l’Egyptien de l’époque pharaonique a entretenu, pendant trois millénaires, la plus totale proximité totale avec le règne animal. Ce n’est qu’ensuite que l’homme s’arrogera une prétendue supériorité sur les autres créatures. « Il n’y avait alors aucune hiérarchie antre l’espèce animale et l’espèce humaine », souligne la commissaire Hélène Guichard qui a organisé le parcours selon les différents rôles joués par l’animal dans la société.
L’animal est certes domestiqué, chassé et même consommé dans la vie quotidienne, mais ses caractéristiques propres lui permettront, pour de nombreuses espèces et en de multiples circonstances, d’être spiritualisé, sacralisé, jusqu’à symboliser la toute puissance divine. Fils d’Isis et Osiris, Horus est ainsi représenté sous la forme d’un faucon ou d’un homme à tête de faucon. Sobek, seigneur des eaux, a la forme d’un crocodile. Bastet est symbolisée par une chatte, ou une femme à tête de chatte (Hérodote dit que les femmes se rasaient les sourcils quand un chat mourait de mort naturelle). Sekhmet, considérée comme une déesse redoutable, a les traits d’une lionne. Anubis, gardien du royaume des morts et inventeur de la momification, est un chien ou un chacal.
L’animal n’est pas ici simple animal de compagnie ou esclave au service de son maître : il fait partie du monde des vivants et effectuera le même passage vers le monde des morts. On momifie les crocodiles, on taille un cercueil pour un chat ou une musaraigne…
Une telle omniprésence de l’animal dans la société ne se retrouvera à ce point dans aucune autre culture de Antiquité. Ce foisonnement se manifeste tout autant dans des pièces minuscules (amulettes, bagues et autres bijoux) que dans des statues aux proportions impressionnantes, comme celle d’Amon à tête de bélier ou Montou à tête de taureau.
S’adressant au plus large public, l’exposition, dont les visées pédagogiques sont évidentes, utilise les techniques modernes multimédia : on pourra par exemple, sur écran tactile, manipuler des momies animales en trois D, ce dont ne se prive pas le plus jeune public, particulièrement sensible au thème de l’exposition.
« Des animaux et des pharaons », jusqu’au 9 mars, 10 h – 18 h (sauf mardi), musée du Louvre-Lens (62). Tarif : 9 €, gratuit moins de 18 ans. Tél. 03 21 18 62 62.