Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Par amour du théâtre bien sûr. Par amour, tout court. Soit en l’occurrence la reprise fort recommandable au non moins impeccable Lucernaire d’une pièce de jeunesse mais déjà désespérée. C’est donc du romantisme ? Tout juste. Alfred de Musset trouve ici son œuvre servie avec justesse. On ne badine pas avec l’amour, paraît-il, et cette pièce vient cruellement nous le démontrer. A trop chercher à tester les sentiments de l’autre sans se dévoiler soi-même …
Mais ce jeu de dupes sur le sentiment amoureux alterne avec vivacité entre tragique et comique. Un chassé-croisé haletant proposé par le texte et magnifié par la mise en scène de Christophe Thiry et la composition d’une troupe enthousiasmante. La matière première, donc, c’est ce texte écrit en 1834 par Alfred de Musset dans sa 25e année, juste après que George Sand l’a laissé choir. L’amour éternel aux oubliettes, perdu d’avance, place à l’éphémère. L’amour, quelle aventure !
La lutte pourtant sera rude. Un combat mis en forme avec délicatesse sur la scène du Lucernaire, où la qualité de l’accueil et la sympathique ambiance « art et essai » n’ont d’égal que l’inconfort des banquettes (d’accord, j’exagère, de plus tout ceci est bien cohérent), la mise en scène, donc, quel brio, c’est un ballet agréablement arrangé de comédiens épatants, de lieux, de situations. Cela sur un plateau nu, tout juste agrémenté de temps en temps par quelques tabourets, ou de comédiens qui jouent eux-mêmes, qui l’arbre, qui la statue.
Tout cela sollicite l’imaginaire du spectateur, qui n’en demandait pas tant. C’est inquiétant et foisonnant comme Les Fleurs du Mal ou le Songe d’une nuit d’été, mais on n’y perd pas pied. Auteur et metteur en scène poussent sur le fil tendu un spectateur funambule ravi. Tombera, tombera pas ? On ne badine pas avec le fil tendu.