Ce n’est plus le plus populaire des pharaons. Pour des motifs qui ne sont pas toujours de nature historique, des figures comme Ramsès II ou le jeune Toutankhamon lui ont volé la vedette. On pourrait épiloguer à loisir sur les raisons qui ont ainsi contredit le désir de postérité pour ces souverains plus soucieux que les autres d’éternité. Les voies des pharaons sont impénétrables.
Et pourtant Sésostris III (5e roi de la 12e dynastie, 1872 à 1854 avant J.-C.) que de savants égyptologues considèrent comme le souverain des souverains, puissant et visionnaire, ayant par son autorité et sa clairvoyance contribué à élever son pays au rang des civilisations de tout premier plan, a dû attendre près de quatre millénaires pour que justice lui soit très officiellement rendue.
Cela prend aujourd’hui la forme d’une exposition dense et minutieuse, à laquelle ont contribué les plus importants musées du monde, le Louvre en premier lieu, mais aussi le British Museum, le Metropolitan de New York, Kansas City, Berlin…. Le Palais des Beaux Arts de Lille, qui bénéficie du dépôt des collections de la discrète mais très active section d’Egyptologie de l’Université III (le grand savant Jean Vercoutter en fut l’un des principaux animateurs dans les années 1960) a le privilège de proposer cette exposition préparée par les commissaires Fleur Morfoisse et Guillemette Andreu-Lanoë.
Un public important et divers y est accueilli depuis le 9 octobre. L’attirance et la fascination pour l’Egypte ancienne se vérifient quotidiennement. Spécialistes et profanes se côtoient dans une salle où sont réunis représentations monumentales, sculptures raffinées, bijoux d’une grande qualité esthétique, évocations artisanales des métiers du quotidien, fragments de papyrus, morceaux de temples, objets de toilette… Au delà de la découverte purement historique, on sera séduit par la richesse de certaines pièces constituées de matériaux aussi précieux que l’améthyste, la turquoise ou encore la cornaline, censée protéger les morts dans leur voyage vers l’autre monde.
Une impressionnante sculpture en quartzite représentant le visage du pharaon accueille le visiteur. Ce visage est sévère, voire austère.Un homme d’autorité, sans nul doute. S’il est représenté avec de grandes oreilles, c’est, nous dit-on, pour signifier qu’il était à l’écoute du peuple. Au fil du parcours, on découvrira d’autres représentations de Sésostris, montrant à chaque fois d’autres aspects d’une personnalité que l’on devine riche et complexe. L’artiste a-t-il répondu à une demande précise, visant à l’édification du peuple ? Dans un article publié dans le catalogue de l’exposition, le professeur Pierre Tallet soulève le paradoxe : si le monarque se présente à nous « comme un être humain tangible » , d’un autre point de vue, « ce roi ne nous est que très mal connu« . L’œuvre laissée par le grand pharaon plaide néanmoins suffisamment en sa faveur. Son règne durera dix-neuf ans. Le souverain poursuivit et amplifia les réformes de ses prédécesseurs. Il annexe la Nubie (actuel Soudan) tout en réformant l’administration, inventant un nouvel ordre social.
Même si au fil des siècles, le public occidental porta son attention sur d’autres figures de l’Egypte ancienne, ce souverain visionnaire a cependant marqué très longtemps les esprits, au point qu’il fut élevé au rang d’un dieu dès la fin du Moyen Empire, notamment en Nubie. Sa personnalité a également été mentionnée par les grands historiens de l’antiquité grecque. Il semblait donc juste qu’aujourd’hui, ce “pharaon de légende“ – titre de l’exposition – retrouve, au sein d’un grand musée, la place et les honneurs qui lui sont dus.
Palais des Beaux Arts de Lille, jusqu’au 25 janvier 2015. Tél. 03 20 06 78 00.
A signaler également l’exposition originale proposée à partir du 5 décembre au Louvre – Lens « Des animaux et des pharaons ». Près de 430 pièces seront réunies pour ce bestiaire de l’Egypte ancienne, qui nous permettra de croiser grenouilles, babouins, serpents et, bien entendu, chats, scarabées et autres ibis.
Belle réhabilitation. Rendons à César…