Pour nous mettre l’eau à la bouche, le 29 janvier dernier, la soirée Ardanthe -Festival de danse contemporaine à Vanves – a débuté avec Louves, un solo de Christian Ben Aïm (Compagnie CFB 451), tout droit sorti de l’univers fantastique des contes. Pendant une quinzaine de minutes, le temps s’est arrêté. Je me suis imaginée dans des contrées lointaines, dans un froid sidéral, seule, au milieu de nulle part. D’un autre côté, j’ai suivi ce petit chaperon rouge des temps modernes, comme une bête curieuse, avec ses talons aiguilles et sa cape, tournant inlassablement sur sa trottinette dernier cri. Bien sûr, j’ai pensé isolement, emprisonnement (avec les petits lapins dans leur cage), privation de liberté, envol… mais je me suis surtout laissé bercer et envahir par cette douce atmosphère de songe…
Changement de décor. Trois hommes, deux femmes : cinq interprètes en tout. Un chiffre impair. Dès les premières minutes de son spectacle «Liquide», le chorégraphe Christophe Haleb nous plonge dans la complexité des relations humaines et du couple en particulier. Dans une ambiance électrisante – entre crépitements et musique tonitruante- les questions existentielles fusent : «Mon corps est en centre de réclusion à perpétuité, comment y échapper ?», «J’attends qu’on m’aime, que la vie commence…», «Ma vie oscille entre l’activité frénétique et le vide», «Dieu voudrait qu’on soit sage, que ce soit Disneyland, qu’on mange à l’heure, qu’on soit mort, c’est ça ?»…
Pour évoquer ce monde intérieur tourmenté et souligner la fragilité des relations qui unissent ces hommes et ces femmes, Christophe Haleb ose, repousse les limites. Avec humour. Les interprètes improvisent une radio de fortune, chantent, dévoilent avec virulence leur mal être et leur folie, parlent de «libérer les blocages qui empêchent la circulation des fluides» …
L’émission est ponctuée de moments explosifs où les corps s’entremêlent, se fondent et se rejettent. Dans une scène d’orgie -franchement drôle-, les interprètes -nus- dévorent à pleine dent des fruits juteux, qu’ils recrachent sur les parties intimes de leur voisin, le tout dans des postures extravagantes, sexuelles et sensuelles à la fois. Les sens sont en émoi. Christophe Haleb nous rend voyeur et, durant une heure vingt, nous fait passer d’un état émotionnel à l’autre, sans répit.
Christophe Haleb a fondé sa propre compagnie la Zouze en 1993. Il collabore avec des architectes, des plasticiens, designer, réalisateurs, photographes, danseurs, chorégraphes, comédiens, musiciens et chanteurs, favorisant les interactions entre le mouvement, la parole et la mise en scène.